La La Land est révélateur d’un problème qu’on connaît tous assez bien, je pense. J’ai décidé de l’appeler le « syndrome Helsinki », de l’espagnol « el » (le) et de l’anglais to sink (couler), que je traduis par « le naufrage des grandes attentes ». Je m’explique.


J’avais adoré Whiplash (de Damien Chazelle), brillant à plus d’un niveau ; psychologie des personnages, et surtout ce qu’il me faisait ressentir, qu’il s’agisse de frustration, de colère, de joie,…. C’était un film exceptionnel, pour un réalisateur qui s’annonçait donc tout aussi bon.
En plus de ça, le couple star, Emma Stone et Ryan Gosling, sont deux acteurs que j’affectionne tout particulièrement, que ce soit pour leur talent à jouer des rôles dramatiques aussi bien que comiques ou leur alchimie cinématographique.
Bon, par contre, je ne suis pas un fan pur et dur des comédies musicales mais suffisamment (Singing in the rain, Les chansons d’amour, The Rocky Horror Picture Show, The Blue Brothers) pour espérer aimer celle-là.
J’essaie aussi dans la mesure du possible de ne pas tenir compte des critiques avant d’aller voir un film, mais le maxi gros hyper méga battage médiatique autour du film m’a atteint, à mon grand dam.


Evidemment, ce qui devait arriver, arriva. Le film débute, petit plan-séquence musical sympathique et c’est parti. Et là, pschhiiiit, je ne suis pas dans le film, enfin si, mais par moments seulement, donc ça ne compte pas.


Pourtant, le film a des points positifs évidents : Bien réalisé, bien joué, une bande originale qui reste en tête (que j’écoute depuis ma séance au cinéma aussi, ça doit jouer).


La La Land est une comédie musicale typique, et pourtant essaie de se placer à part. Le film joue le jeu et sur les codes du genre : Une romance – classique -, une histoire qui tourne sur les rêves d’une vie, artistique of course, des gens gentils, des couleurs vives, de beaux couchers de soleil, et plein d’émotions.


Là où le film s’essaie à plus que ça est pourtant assez intéressant : le cassage de la conclusion de certaines scènes-clés (le premier baiser,…) par des éléments perturbateurs, cette volonté de montrer que tout est illusion (le personnage est devant un paysage magnifique… qui s’avère n’être qu’une affiche ou un décor) ou sur le dénouement de l’histoire lui-même. L’effort est appréciable, original mais m’a quand même semblé parfois trop artificiel, trop forcé. Le potentiel comique de plusieurs de ces effets est indéniable mais ce message du film insistant sur l’illusion du monde qu’il crée a eu la manie de me faire sortir du film tout en me laissant admiratif de la méthode.


Le film m’a aussi semblé trop se complaire dans certains effets, notamment sur son utilisation de la lumière et de cette manie de faire le noir total excepté un projecteur braqué sur un personnage. Je me dis que cette artificialité est liée au genre (sur les décors ou les couleurs très vives) ou au lieu de l’histoire (Los Angeles, ville du spectacle). Trop timide aussi parfois, sur la quantité ou l’audace des scènes chantées/dansées.


Pourtant, je me dis que cette timidité sur ces scènes-là est voulue : Emma Stone et Ryan Gosling ne sont ni chanteurs ou danseurs, et le film joue tout autant sur son côté musical que sur l’équilibre film traditionnel/hommage aux comédies musicales d’antan et la modernité dont il fait preuve (critique du monde du spectacle, de Los Angeles et des castings, inclus). C’est, au final, comme si cette romance classique était un prétexte amusant, un loisir de Damien Chazelle pour dépoussiérer un genre et lui rendre hommage tout en critiquant le monde dont il vient.


Le film est techniquement, visuellement magnifique, sa fin est brillante à plus d’un titre


à la fois un « Et si » les personnages avaient pris une autre décision et un « Et si » ce film avait été vraiment été tourné à la Hollywood


, il sait surprendre et faire preuve de classicisme, être entraînant ou mélancolique.


Voilà ce qui est énervant : je pense avoir aimé le film mais j’aurais aimé l’avoir adoré, j’aurais adoré sortir enthousiasmé, et ce que je trouve « intéressant mais forcé », je l’attribue au fait d’être passé à côté dès le début. C’est là où notre perception d’un film peut se révéler assez casse-couilles : suivant notre état d’esprit, nos attentes, le moment du visionnage, si on a faim ou non, on trouvera tel effet, telle histoire ou tel personnage réussi ou raté. Et La La Land me semble être en plein dans ce cas.


Il y a quand même une chose qui transcende ces atermoiements : Damien Chazelle, comme le montrait déjà Whiplash, sait filmer la musique. Ou plutôt, sait filmer les musiciens en action ; ses gros plans, sa gestion du montage, je trouve sa manière de faire brillante.


Et parce que, j’ai eu le temps de bien digérer tout ça, et que je veux en profiter, je retourne le voir dans quelques jours. Faut quand même pas déconner.


https://blogameni.wordpress.com/2017/01/31/la-la-land-damien-chazelle/

MrAmeni
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le 31 janv. 2017

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