Elle est à toi cette chanson, toi l’art des choix qui sans façon...

Malgré un ultra tapage médiatique qui pourrait donner la nausée, La La Land reste un bonbon qui vient chatouiller agréablement nos papilles.


Comme toute friandise qui se respecte, le film déploie des charmes trompeurs, nous enveloppe de guimauve avant de nous attaquer sur les cuisses et le ventre, là où on va avoir du mal à s’en défaire. C’est sans doute une sucrerie à l’huile de palme qui créé une forte addiction dans laquelle on se laisse couler délicatement.


Le plan d’introduction annonce la suite: vieilles voitures, ciel bleu hollywoodien, couleurs vives, danse autour des voitures, comme un hommage condensé à ce qui se fait de mieux en terme de comédie musicale.
La caméra joue et virevolte avec et autour des danseurs, surfant sur une musique entrainante qui nous lâchera difficilement. C'est gai, c'est beau, c'est vivant: ça y est on est happé par le film.


On a droit bien évidemment à l’histoire d’amour promise, mais là aussi on se joue de nous: les premières rencontres ne se déroulent pas comme on pourrait s’y attendre, et on nous prend à contre pied à plusieurs reprises en déjouant nos pronostics pour finir par retomber sur quelque chose de plus classique.


Le film papillonne dans son univers onirique comme la caméra qui se glisse autour de ses acteurs et décors: dans un univers irréel et intemporel, où des téléphones portables côtoient des styles old school, où les années 80 font une brève apparition pour nous sortir de notre torpeur, où rêve et réalité se confondent au point qu’on a du mal pendant un temps à penser que ce qu’on nous raconte pourrait nous toucher autrement que par sa pure beauté.


Et puis peu à peu on comprend que derrière le décor, derrière des acteurs magnifiques, se cache le coeur du film, celui qui nous fait vibrer et nous donne un supplément de proximité avec un monde qui pourtant a priori n’est pas fait pour nous: derrière les façades de cinéma, une foule de questions nous ouvre les bras: comment concilier ses rêves, son ambition et sa vie personnelles? Quels choix peuvent guider notre vie? Comment gérer ses aspirations d’artistes quand la réalité vous guette? Quels compromis peuvent nourrir ou au contraire tuer vos ambitions, votre art? Un artiste accompli est-il forcément voué à rater sa vie, ou à en laisser une partie sur le bord de la route? L’art s’épanouit-il forcément au détriment d’un rêve? Un couple peut il perdurer en laissant ses deux membres évoluer professionnellement?


On peut voir à peu près tout et n’importe quoi dans l’évolution des personnages tant elle pourrait ressembler à n’importe quelle autre.
Parce que curieusement on se sent proches de Mia et Sebastien, c’est comme si le film qui respire la perfection par moments avait pris soin de laisser quelques défauts pour rester connecté aux nôtres: les acteurs sont convaincants mais ne sont nis de parfaits danseurs ni chanteurs, les plans séquences sont magnifiques mais dans le premier par moments on rate de peu les pieds des certains danseurs, comme pour les faire exister hors champ.
Remarquer ce léger décalage aurait pu nuire à l’impact de la scène mais au contraire ça l’a renforcée, en rappelant que le plan n’était pas forcément évident à faire. C'est comme si l’imperfection (relative) donnait plus de consistance au travail fourni, comme pour nous montrer que nous ne sommes pas devant un travail lisse et parfaitement numérique.
Idem pour les pas de danse qui ne sont pas toujours hyper synchronisés: ça nous permet de mesurer la maîtrise des vrais danseurs, et d’admirer le travail de ceux qui ne le sont pas mais livrent quand même un beau spectacle.
Les personnages font de leur mieux pour percer, les acteur font de leur mieux pour les interpréter, et nous faisons de notre mieux pour les comprendre.


Il y a beaucoup de choses à relever dans ce film: les multiples références, la gestion des différents lieux, l’harmonie des couleurs, leurs signification (cf la vidéo que vient de sortir le fossoyeur de films à ce sujet), la relation entre la culture passée et celle qu'on est en train de construire, la façon dont est perçu un style quand il émerge et sa dénaturation par la suite...


Mais avant tout ce qui importe c’est le sentiment que nous laisse le film quand il se termine, et l'envie qu'on a de le revoir pour replonger dans un univers magnifique mais pas forcément aussi bisounours et éloigné de la réalité qu'on pourrait le penser.

iori
9
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le 31 janv. 2017

Critique lue 280 fois

iori

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