A quoi reconnaît-on une bonne comédie musicale ? C’est simple, à l’envie irrépressible de danser et chanter qui nous prend en quittant la salle. Pari réussi donc pour La La Land, film pour le moins intimidant, encensé et couronné par sept Golden Globes, un record depuis Titanic. Et consécration pour Damien Chazelle qui a bataillé depuis 2010 pour que le projet voie le jour. Il faut dire que l’idée paraissait un peu casse-gueule : réaliser une comédie musicale moderne et transposer dans le monde contemporain le genre-roi du Hollywood des années 1950.
Difficile de sortir de l’ombre écrasante des classiques : Chazelle fait projeter Les parapluies de Cherbourg sur le plateau de tournage et truffe son film de références. Comment ne pas penser aux Demoiselles de Rochefort avec le ballet inaugural et les robes pimpantes d’Emma Stone, ou Chantons sous la pluie lorsque Ryan Gosling reprend un instant la pose de Gene Kelly sur son lampadaire. Là résidait le principal danger du projet : se centrer sur les codes en oubliant le reste et devenir une belle présentation lisse mais sans âme.
La La Land parvient heureusement à dépasser le simple rappel affectif et à nous séduire par sa propre personnalité. Chazelle ne renouvelle pas le genre mais se l’approprie, dans un style foisonnant, charmeur, poétique. Los Angeles devient un immense plateau de tournage, où chaque coin de rue est un décor, où chaque client de café est une star. La réalité cède le pas devant la magie de l’amour, qui envoie au sens propre dans les étoiles.
Tout paraît léger, très léger, et pourtant la mélancolie est là. Elle affleure sans jamais s’imposer. Chazelle met en couleur et en chanson (superbe BO de Justin Hurwitz) l’insoutenable sérieux de la vie. Car sous le vernis pop et éclatant, La La Land n’est rien de moins qu’une chronique sur les errements amoureux et l’inexorable érosion des rêves.