J'ai voulu croire qu'il suffisait de te sourire. J'ai refait l'histoire tant de fois. Avec des si, je coupe du bois.
Juste un malentendu.
Il était lourd, encombrant. Et c'était toi que j'attendais. Il pouvait pourrir un moment sur la plage, qu'on s'installe, que tu voies un peu un bout du monde que je construisais pour toi. Mes cibles inaccessibles encore.

Je ne savais pas que tu chantais grâce à lui. Que c'était ta voix. Ton sourire et tes larmes, ton souffle, tes soupirs qui, pire, maintenant gonflent en ton sein.
Je ne savais pas que tu étais prête à tout.

J'ai d'abord cru dominer la tempête alors que j'avais même pas les yeux pour la reconnaître. Je ne sais pas s'il fallait du courage pour te choisir toi, Ada. Je ne sais même plus si c'est moi qui t'ai choisie. Je ne sais pas si je savais ce qu'était le courage avant de te connaître, toi. J'aurai au moins appris ça, et la folie.

Le plus dur c'est d'être un pantin, de s'en rendre compte longtemps après les autres, de voir ces fils entrelacés à tes doigts, qui jouent. Tu as joué avec moi, Ada, tu m'as fait entrer dans ta danse et c'est toujours les mêmes qu'on accuse d'être les voleurs.

Je t'imaginais plus grande, moins chétive et surtout moins forte. Tu m'as plié, tu as abattu tous les arbres, couché mes rêves. Rangés, pliés.

Mes yeux qui pleurent et je sens que tu ne comprends pas ce que je dis...

Dis, faudrait que je me crève les yeux pour faire celui qu'a rien vu ? Et peut être que je dépasserai assez à cet instant précis pour que tu ais un regard pour moi, un geste tendre, enfin. Tout ce que tu lui donnes, à lui, touche après touche...

La leçon est pour moi, l'addition aussi.

Moi, j'ai rêvé si fort que je n'ai rien vu s'envoler. J'ai cru au temps qui passe, à son ouvrage inexorable. J'ai cru en Dieu, en son aide, en sa miséricorde.
Alors que le temps n'est rien quand Cupidon joue aux fléchettes.

Ma main n'a pas tremblé dans la fureur et Dieu n'est d'aucun secours quand c'est la haine qui sourd dans tes veines, cogne à tes tempes.
Toujours les mêmes.
Si je ne t'ai pas coupé la tête, c'est qu' il y avait une parcelle en moi pour t'aimer encore.
Et c'est de la folie. Qui, pour aimer une marionnettiste ? Une sorcière télépathe.
Un pauvre fou.
J'entends ta voix, Ada...

Sorcière ! J'aurais eu le droit de te brûler, de te regarder flamber. Recueillir tes cendres et les accrocher à mon cou, dans un petit sac.
Et peut être que ta voix finirait par se taire.
Et j'ignore comment faire pour vivre sans toi.
J'ai juste la boue et les larmes.
Je t'ai abandonnée à un autre homme, j'ai juste gardé un bout de toi.
Et c'est l'automne tout le temps.

Toi et ce piano... juste un malentendu. J'avais pas compris.
Dieu, tout ça, toute cette douleur, tous ces rêves emportés dans le tourbillon, tout ça pour un piano. Oublié sur une plage.
Ta voix finira par se taire.
DjeeVanCleef
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 28 sept. 2014

Critique lue 1.6K fois

53 j'aime

18 commentaires

DjeeVanCleef

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

53
18

D'autres avis sur La Leçon de piano

La Leçon de piano
Sergent_Pepper
9

Ada et l’ardeur.

Revoir ce film 22 ans après sa sortie occasionne bien des craintes, de celles qui alimentent ma liste « Conversation avec mon moi jeune » : le lyrisme aura-t-il encore de l’effet ? C’est avec une...

le 31 janv. 2015

98 j'aime

11

La Leçon de piano
Grard-Rocher
9

Critique de La Leçon de piano par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Ada McGrath est une jolie jeune femme veuve et muette. Son principal moyen d'expression et ses moments d'émotion passent par les sonorités de son piano dont elle joue merveilleusement bien et qui...

61 j'aime

16

La Leçon de piano
abscondita
3

Histoire d'un chantage sexuel ...

J’ai du mal à comprendre comment ce film peut être si bien noté et a pu recevoir autant de récompenses ! C’est assez rare, mais dans ce cas précis je me trouve décalée par rapport à la majorité...

le 12 janv. 2021

56 j'aime

20

Du même critique

Retour vers le futur
DjeeVanCleef
10

Là où on va, on n'a pas besoin de route !

J'adore "Retour vers le futur" et j'adore le couscous. C'est pas faute d'en avoir mangé, mais j'adore, ça me ramène à une autre époque, une époque où j'avais empruntée la VHS à Stéphane Renouf -...

le 22 mai 2013

204 j'aime

32

Les Fils de l'homme
DjeeVanCleef
10

L'évangile selon Thélonius.

2027, un monde où les enfants ne naissent plus, comme une malédiction du Tout-Puissant, un courroux divin. Un monde qui s'écroule sous les coups des intégrismes de tous poils, où seule, la Grande...

le 26 juil. 2013

194 j'aime

36

Rambo
DjeeVanCleef
9

La chasse.

Welcome to Hope. Ses lacs, ses montagnes et Will Teasle son Shérif. Plutôt facile de faire régner l'ordre par ici, serrer des pognes et éviter les embrouilles. Par exemple, escorter cet intrus, ce...

le 13 mai 2013

181 j'aime

46