A petites touches

La leçon de piano, qui est tout autant leçon d’amour – l’éveil à la musique coïncidant avec celui des sens -, se donne sans l’aide des mots : le maître est muet, l’élève fruste.Le savoir se transmet par l’oreille, l’œil, les mains, la peau ; il passe par des sons et des harmonies, des appels secrets et des reculs craintifs lisibles dans les regards ; il s’exprime par des attouchements furtifs, du bout des lèvres, puis de plus en plus précis, doigt posé sur la chair, à travers un trou dans un bas noir, sous une jupe relevée. Les corps s’y dévoilent lentement, pour se donner le temps de s’apprendre l’un l’autre jusqu’à la nudité où se révèle l’intensité du désir de se connaitre enfin dans la fusion des sexes. Une femme est née quand la leçon s’achève : elle en décrit la partition, note à note, que son partenaire à jouée, touche à touche, sur son cou, sur sa bouche, partout où jaillit la vie quand l’amour s’y cherche.
Tableau esthétique, voire esthétisant d’une rencontre improbable sous les magnificences glacées des antipodes,-, d’une violence étouffée, de désirs prudes, qui n’avance cependant pas sans certaines lourdeurs stylistiques, récitant ses petites affèteries hors du temps, surlignant sans se départir d'un certain classicisme la préciosité du regard d’une entomologiste des sensations.