Moment musical

Peu ou prou de choses à redire sur la forme, tant La Leçon de piano s'avère être un film visuellement et techniquement très abouti ; images superbes accompagnées d'une bande originale emblématique composée par le grand Michael Nyman : la beauté formelle du classique de Jane Campion relève de l'écrin cinématographique idéal, véritable oeuvre plastique à part entière récompensée à juste titre de la Palme d'Or en 1993. Qu'il s'agisse de la splendeur des décors naturels, de la sophistication des costumes, des cadrages particulièrement élaborés et de la pertinence du casting La Leçon de piano est un paradigme d'esthétisme, à voir de préférence dans une salle obscure pour en considérer l'impact artistique...

On pourrait cependant reprocher certaines lacunes au scénario de Jane Campion, notamment une tendance à l'invraisemblance psychologique. En effet les rapports qu'entretiennent le personnage joué par Holly Hunter et celui incarné par Harvey Keitel sonnent assez faux, et leur histoire d'amour semble difficilement plausible si l'on tient compte du caractère tendancieux de leur échange. La passivité de l'héroïne semble témoigner d'une faiblesse d'écriture préalable, même si la cinéaste parvient à créer un nouveau langage via la composition de Nyman. La narration du film, très linéaire, évoque davantage la chronique que le récit évolutif, et la puissance émotionnelle revendiquée ne fonctionne pas toujours, notamment dans son dénouement somme toute assez convenu.

On remarquera présence de la très talentueuse et toute jeune Anna Paquin, impeccable dans le rôle de la fillette, actrice plus ou moins mésestimée si l'on aborde sa carrière pas forcément imposante a priori. La Leçon de piano reste un classique à voir absolument, certes plus beau que véritablement palpitant mais culte à sa façon. Nous le conseillons vivement !