Pardon, pardon pour ce titre navrant. Je l'assume, je le trouve impeccable. J'ai par ailleurs remarqué que quand on dit "j'assume" devant une personne qui vous emmerde avec sa morale à deux balles, hé bah ça passe crème... Comme si, au fond, on aimait avant tout la liberté de l'individu qui se tient droit même si on trouve ses choix discutables.


L'un des seuls "j'assume" qui ne passe pas, c'est quand on vous traite de fasciste. Là, on peut dire, si vous n'êtes pas tout à fait cyniques, que ça laisse un arrière goût de renard écrasé sur la nationale direct dans la gorge. Je n'assume pas très bien mes penchants totalitaires, non (ironie + euphémisme = C-C-C-COMBOOO !!! - coucou Guillaume Boutin)


La seconde guerre mondiale était la dégénérescence même du capitalisme, l'humanité qui va avec. C'était à la fois le moment d'exister, d'être vertueux devant tous les petits-bourgeois pragmatiques qui avaient des intérêts ou, pire, trouvaient des intérêts avec les allemands durant l'occupation. Le moment d'exister comme le pensait sottement Sartre, le moment d'exister au milieu d'un océan de contraintes. Franchement, la guerre, c'est peut-être le seul truc qui, pour moi en tant que révolutionnaire, ne passera jamais. C'est sans doute con à dire, c'est comme se dire qu'on est contre la peste ou le choléra (ou François Fillon), mais être résolument contre toutes les guerres, au motif qu'elles se font, des motifs bourgeois et sentimentaux, c'est une réalité que j'entends souvent, et dans les faits : zéro pointé. T'en as pas un qui s'organise, t'en as pas un qui affirme de manière unilatérale que la protection des peuples n'est pas une zone délimitée dans le temps et l'espace ou que, là où il y a de la violence, se cache nécessairement une injustice, t'en as pas un qui va bouger son petit cul pour rejoindre celles et ceux qui ne veulent pas de ce processus maudit, t'en as pas un qui joint la parole au geste sous prétexte que la guerre est lointaine. Alors, on peut traiter les gens de neuneus, d'abrutis congénitaux, mais être contre la guerre, c'est assez rare en fait.


C'est dans les périodes de clair-obscur qu'on retrouve "les vrais", comme disent les jeunes aujourd'hui. Tout y est si exacerbé. Soit t'es un vrai salaud, soit un vrai héro. C'est l'heure des grands choix car le "moindre mal" n'a plus cours. On a dépassé ce stade.


Dans la Ligne de Démarcation, on assiste à un tableau choral, le tableau d'un village à la limite de son histoire. La frontière qui le traverse sillonne comme une cicatrice à ciel ouvert. Et comme toutes les frontières, elle est dégueulasse, elle croule sous le poids des chairs et du sang des exploités et elle est un artifice administratif.


La vraie force de ce film, c'est quand même l'extrême variété des personnages et des trajectoires qu'ils prennent, le tout rendu de manière limpide, et c'est sans doute le caractère d'un tout cohérent et lisible qui me pousse à écrire. De monsieur et madame le Comte aux passeurs crapuleux, on a des habitants valeureux, un curé qui joue de son statut en mentant, un médecin qui ne fait pas que sauver des vies, un grand-père qui donne le schnaps à boire à une patrouille en les traitant de couillons, un cafetier internationaliste qui ne sert pas la soupe aux traîtres. Tout ce décorum se joue sans discussion et avec beaucoup de passion.


Bon, allez, je ne le cache pas, les films sur l'occupation, la seconde guerre, je ne regarde pas. Je n'apprécie pas leur falsification historique. La Ligne de Démarcation n'échappe pas à la règle : la résistance est le principal épicentre du film, les allemands (les petits et les grands) sont des crétins stimulés par la Gestapo. C'est assez manichéen, même quand monsieur le Comte, incarné par le terrible Maurice Ronet, change sa neutralité pour s'opposer à l'envahisseur.


Mais il y a un truc dans ce film qui le différencie de la 7ème Compagnie, c'est comme je le disais un peu au-dessus, son extrême variété de profils d'intérêts, quitte à en faire un tableau assez exhaustif d'une situation où on se confronte à un cas humanitaire d'une extrême urgence. Cela signifie que je salue le film, non pour son regard historique car il n'y a aucune finesse mais pour ses personnages archétypaux qui évoluent en fonction du parcours des autres. Et c'est comme un puzzle narratif, puzzle un peu comme cette France toute rapiécée...


Un tel film est difficile à écrire. Chaque chose a sa place dans ce tableau de l'oppression générale. Du coup, cela suscite une relative sympathie, rien que pour m'avoir intéressé pendant une heure à un sujet aussi rabâché que maltraité.

Andy-Capet
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le 17 nov. 2016

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Andy Capet

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