Film de guerre réalisé par un cinéaste génial qui n'avait pas redonné de ses nouvelles sur grand écran depuis une vingtaine d'années, La Ligne rouge atteint des sommets dans un genre que l'on croyait parvenu à son apothéose depuis Il faut sauver le soldat Ryan de Steven Spielberg.
Durant près de trois heures, Terrence Malick nous conte la déconfitures des soldats américains sur l'île de Guadalcanal, face à un ennemi japonais terré dans les hautes herbes de ce paradis terrestre. Et, le cinéaste s'attarde particulièrement sur la nature qui constitue son décor. Il débute d'ailleurs son film par des images de nature: un crocodile se prélasse dans un lagon, des singes batifolent dans les arbres, des oiseaux traversent un ciel d'azur, etc. Et il nous montre de façon intelligente les habitants de l'île, vivant totalement en dehors de ce qui se passe dans leur région. Dans une scène magnifique, une section américaine à l'affût croise un Mélanésien qui ne les remarque même pas. Durant tout le film, ces vues de nature sont récurrentes et viennent s'intercaler dans les séquences de guerre pure.
Aidé par son directeur de la photographie John Toll (Oscar pour Légende d'automne et Braveheart), Malick joue la carte de l'élégance. Les mouvement de caméra amples et souples contrastent avec un montage au cordeau dans les séquences de combat. A vrai dire, on ne peut pas vraiment parler de scènes de combat, car le film décrit plutôt l'attente des soldats. Et là le réalisateur, qui a gagné sa vie comme professeur de philosophie, s'attarde longuement sur ce qui se passe dans l'esprit de ses soldats.
Pour ce faire, il utilise brillamment le difficile procédé de la voix off. Chaque soldat a son moment de réflexion. On les entend exposer leurs impressions et surtout leurs peurs. Par cet aspect original, La ligne rouge devient œuvre philosophique. Dans le même esprit, Malick nous sert des flashes back intelligents dans lesquels les différentes femmes de soldats sont toutes incarnées par la même actrice, comme s'il voulait renforcer l'idée de la femme unique imaginée par les militaires.
Comme il l'avait déjà démontré dans ses deux premiers films, Bad Lands et Les moissons du ciel (Days of Heaven), Malick prouve une nouvelle fois qu'il est un directeurs d'acteurs hors paire. Les vétérans Sean Penn, Woody Harrelson, Nick Nolte, John Travolta, George Clooney, John Savage, Elias Koteas, John Cusack et les jeunes Jim Caviezel, Ben Chaplin, Adrien Brody et John C. Reilly sont tous très bons. Certains auraient vendu père et mère pour tourner dans un film de Malick qui se comporte sur ses tournages comme un père de famille.
Ajoutez à cela des décors somptueux de Jack Fisk et une musique inspirée de Hans Zimmer, et vous obtenez un monument du Septième Art à ne pas manquer.