Quand Tom Hanks fit une rencontre qui bouleversa sa vie

Quand on parle de Stephen King, on s’attend logiquement à un film d’horreur. Or, pour une fois, c’est de l’inédit. Nous n’allons pas parler d’horreur, nous parlerons dramaturgie avec un discret mais puissant soupçon de fantastique plus féérique qu’horrifique. Stephen King le dit lui-même « La ligne verte est de loin la meilleure adaptation de roman qu’il n’est jamais vu ». Il ne mentait pas. Voici un conte fabuleux, ahurissant et d’une émotion profondément intense. Jamais vous ne l’oublierez…


Miracle cinématographique


Si je ne devais retenir qu’un seul parmi tous ceux que j’ai pu voir dans ma vie, si je ne devais conseiller qu’un seul film à voir, un seul film livrant une véritable et pure leçon de vie, ce serait « La ligne verte ». Plus humaniste, on ne fait pas mieux. De toutes œuvres qu’ils m’aient été donné de voir, celle-ci est à mettre à part. La portée symbolique de ce film dépasse toute tentative d’explications. Ce drame est d’une puissance phénoménale.


La ligne verte n’est pas un film, c’est un voyage. Nous cessons très vite d’être spectateur. Entièrement absorbés par le récit, nous voila faire le même voyage que les personnages, vivons ce qu’ils vivent, ressentons ce qu’ils ressentent. Ce sont ce type de films là que j’affectionne le plus.


De tout le film, s’il y a bien un seul personnage qu’il faut retenir, c’est bien John Coffee. Il représente ces âmes extraordinaires qui traversent l’histoire de l’humanité et que le commun des mortels s’acharne à exterminer. Coffey représente le bien sous toutes ses formes. Aucune colère, aucun soupçon de haine, que de la souffrance et beaucoup d’amour.


La ligne verte le souligne bien : nous nous entretuons, refusant de voir que le démon, le mal est en nous, en chacun de nous. Pour vaincre le mal, il faut de la compassion, de la compréhension, et de l’amour. Ce n’est pas à nous de punir, ce n’est pas à nous de juger. Tout n’est pas que science. Oui, La ligne verte a une portée spirituelle et religieuse ne cherchant pas à convertir qui que ce soit, mais nous montre que certaines choses, certains évènements, viennent sans doute d’un être supérieur au commun des mortels. D’où le fait de nous amener réfléchir, d’imaginer que peut être, il existe quelque part, une force supérieure, invisible à l’œil humain, nous observant, prenant des décisions, agissant parfois sans qu’on ne le sache, tout en nous donnant le libre arbitre et espérant que nous ferons les bons choix.



« Le jour de mon jugement, quand je me présenterai devant Dieu, et
qu’il me demandera pourquoi, comment j’ai pu tuer un des miracles
qu’il a créé... qu’est ce que je pourrais lui dire ? Que c’était mon
travail ? Tu parles d’un travail ! »



Une vraie leçon d’amour et de tolérance, dans un lieu morbide et terrifiant


Tout comme le livre, la version filmique de la Ligne verte nous montre que l’esprit humain peut survivre même dans les conditions les plus difficiles. Même dans le couloir de la mort. Plus l’existence est difficile, plus l’esprit est capable de s’élevé, arrivant parfois à balayer le mal qui est en nous pour laisser place au bien. La ligne verte, ce n’est pas le genre d’histoire qu’on associe au nom de Stephen King. Pas de chien enragé, pas de voiture maléfique, pas de clown tueur. Du jamais vu pour l’écrivain, du jamais vu dans un film inspiré de l’une de ses œuvres. Le maitre de l’horreur montre une nouvelle facette de sa personnalité. Ce grand auteur est un grand humaniste. Stephen King, il a l’art de créer des personnages qui sont imparfaits, mais bons d’une manière générale.


Tom Hanks livre une de ses plus belles prestations. Même parfois sans prononcer un mot, son regard en dit long. Quelle bonté d’âme, quelle justesse, quelle authenticité. L’équipe de La ligne verte a eu la chance d’avoir Tom Hanks dans ses rangs, ne manquait plus que de trouver l’interprète parfait pour John Coffee.


Grâce à l’acteur Bruce Willis, c’est Michael Clarke Duncan qui fut choisit. Cet acteur, vous avez pu le voir aux cotés justement dans Bruce Willis dans le gros blockbuster Amageddon. Interprétation sidérante, et encore, le mot est faible. En plus d’avoir éblouit l’équipe de tournage, le voila remettre le couvert avec les spectateurs. Des larmes seront versées, prévoyez au moins une bonne dizaine de paquets de mouchoirs. Au plus profond de Michael Clarke Duncan, sommeille John Coffey. Innocent, naïf, émerveillé de tout, ayant un don miraculeux comme un don maudit puisqu’il lui fait ressentir avec souffrance et douleur atroce la perversité de l’homme et de tout ce déluge de violence, de barbarie. Grace à sa joie de vivre malgré ses souffrances émotionnelles, John amène cette douceur dans ce monde de brutes, faisant apparaitre cette parcelle d’espoir. Il y a toute une symbolique autour de ce personnage possédant un don miraculeux. Stephen King ne s’en cachait pas, John, il l’allie au Christ lui-même, jugé pour un crime qu’il n’a pas commis. Tout du moins, visuellement. Comment oublier cette scène si intense où le détenu se rend au chevet de la femme mourante d’Hal Moores. Quand le désespoir se transforme devant les yeux des protagonistes et du spectateur en une véritable et pure leçon d’amour et de tolérance. Jamais une scène n’aura été si forte dans toute l’histoire du cinéma.


Le couloir de la mort, pire endroit au monde pour un être humain attendant son dernier jugement. A son arrivée, John Coffee va illuminer cet endroit, le soulager, détendre l’atmosphère, redonnant un peu de joie dans la vie de ces hommes au destin funeste.



« On ne peut pas cacher ce que l’on a dans son cœur. »



Le film qui mettra votre sensibilité à l’épreuve


Dans La ligne verte, l’injustice est la maitresse de cérémonie. Vous le verrez, le mal, il est incarné par plusieurs choses :


La société, jugeant les hommes à leur couleur de peau (les noirs étant à cette époque réduits à l’esclavage et traités comme des bêtes),
• Le gardien de prison Percy Witmore (interprété à merveille par Doug Hutchison, l’inoubliable Eugène Tooms dans X-Files), freluquet pistonné, vicieux, lâche, peureux, prenant un malin plaisir à passer ses nerfs sur les prisonniers parce que c’est un frustré ne supportant personne, et encore moins les bons sentiments. Pitoyable, détestable au plus haut point. Gare aux crises de colères, surtout lorsqu’il commettra la pire des atrocités. Ni Paul, ni même Hal Moores le directeur, ne peuvent agir contre lui, car il est protégé par sa tante, dont le mari n’est autre que le gouverneur de l'État de Louisiane.
• Pour finir, dans le genre type atroce et pourri, il remporterait la palme : Bill Wharton. Arrogant, raciste, odieux, vulgaire, malsain, il en fera baver à toute l’équipe de Paul. C’est lui qui fera l’animation. En effet, ses multiples frasques (originales et recherchées) et punitions en conséquence donneront lieu à de petits moments hilarant. Un personnage mémorable, interprété avec brio par un Sam Rockwell prenant très à cœur son personnage.


Le combat du bien contre le mal, la lumière contre les ténèbres, la foi, les miracles, toutes ses petites choses qui pour certains sont futiles, sans véritable preuve, n’ayant donc que peu d’importance, tiennent une place primordiale dans cette œuvre. Pour équilibrer la balance face à toutes ses injustices et méchancetés infantiles gratuites, plusieurs personnages sympathiques viennent apporter un peu de positivité, tendresse et humour. Parmi eux, on retrouve :


Paul, stricte, ferme, respecté et respectueux de tous que vous soyez détenus ou non. Il s’efforce d'adoucir les derniers moments des condamnés. Avec Percy enchainant les débordements, ces problèmes d’infection urinaire, qui, non seulement le fait terriblement souffrir, mais en plus met parasite sa vie de couple, Paul en verra de toutes les couleurs, surtout lorsqu’il fera la connaissance de John Coffee.
Brutus alias « Brutal », fidèle à son supérieur, il a Percy dans le collimateur, ce qui entrainera quelques tensions avec Paul. Brutal a beau mérité son surnom, c’est un homme au grand cœur.
Harry, un gardien qu’on ne voit que trop peu mais qu’on apprécie par sa gentillesse et compréhension.
Dean Stanton, le plus jeune de l'équipe. Encore inexpérimenté mais désireux d'apprendre.
Edouard Delacroix et son compagnon Mister Jingles. Mister Jingles est tout pour Ed, c’est la dernière créature vivante à laquelle il soit attaché. Mister Jingles et Edouard apportent tous deux la touche mignonne, tendre et drôle de notre film. Tout comme John Coffee, difficile d’imaginer qu’un homme aussi bon qu’Edouard, doive passer sur la chaise électrique. D’ailleurs, on ne saura même pas quel crime il avait commit.
Toot-Toot, le concierge un peu timbré, embauché par Paul lors des répétitions des exécutions. Toot-Toot, c’est le « testeur » de la chaise électrique.


Un ange qui s’appelait John Coffee


Au cœur de cette véritable fable de trois heures, Frank Darabont prendra le temps qu'il faudra pour développer ses personnages, leurs sous intrigues, afin que nous nous y attachions. Il a réussit, on se prend d’affection pour les gardiens confrontés à l’inexplicable, et même les détenus en pleine quête de rédemption. A mesure où nous avançons dans l’intrigue, les pièces du puzzle s’emboitent, et elles s’emboiteront à merveille, gorgées d’émotion, de surprises, de rebondissements et de choc. Attention, certaines scènes risquent d’êtres insoutenables pour les plus sensibles. Tortures physique et psychologique, n’oublions pas qu’il s’agit de détenus passant à la chaise électrique, surnommée "Madame cent mille volt". Personne ne connait la date et l’heure de sa mort. Sauf les condamnés à mort. C’est au plus prêt de la mort que l’on se remet le plus en question. A méditer.


Si, tout comme Stephen King dans son livre, Darabont insiste sur le devoir pour un gardien de prison de traiter humainement les condamnés, il ne remettra jamais en question la peine de mort. C’est choquant, incompréhensible, mais ça colle avec l’œuvre originale et la volonté de King. Grâce à une mise en scène simple et poignante, d'une grande humilité, du soin apporté à la création du bloc E, et les ballades dans les décors si paisibles et campagnards de la Louisiane de 1930, ses allers-retours permettant à la Ligne verte de ne pas fini en huis clos éprouvant. La ligne verte dit non à l’ennui, oui à l’émotion. Extraordinaire.



« Je suis fatigué patron, fatigué de devoir courir les routes et
d’être seul comme un moineau sous la pluie... Fatigué d’avoir jamais
un ami pour parler, pour me dire où on va, d’où on vient et
pourquoi... Mais surtout je suis fatigué de voir les hommes se battre
les uns contre les autres, je suis fatigué de toute la peine et la
souffrance que je sens dans le monde... »



Au final, espoir, rédemption, cruauté, souffrance, violence, barbarie, injustice, miracle, racisme, peine de mort, innocence humaine ou judiciaire, spiritualité, tolérance, amour, humanisme, ajouté à des dialogues poignants, une musique ravissante signée Thomas Newman, et une bonne dose d’humour, voila ce que vous offre La ligne verte. Un pur chef d’œuvre d’une richesse, d’une émotion incroyable respirant la douceur et la compassion. Un souvenir émotionnel d'une intensité rare. I N O U B I A B L E.

Jay77
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le 10 oct. 2017

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Jay77

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