La Llorona a l’intelligence de recourir au film de genre pour traiter un thème éminemment politique, soit le sentiment de culpabilité qui poursuit les membres de la famille du tyran Monteverde jusqu’à retourner l’épouse contre son propre mari suite à une immersion fantasmatique dans l’horreur des massacres de la population maya. Aussi l’entièreté du long métrage repose-t-elle sur une vaste métaphore, la pleureuse extériorisant par ses gémissements et ses apparitions la lutte menée avec une conscience que ravivent les procès et les manifestations. La puissance traumatique du huis clos, qui succède aux témoignages des victimes, change la propriété en une maison hantée dans laquelle souffrent non pas l’enfant – au contraire, il est sensibilisé aux atrocités commises par sa famille – mais les grands-parents, incapables de protéger fille et petite-fille.


Jayro Bustamante met en scène des solitudes que l’on force à cohabiter et qui se raccordent à la communauté par la purgation de leurs maux : il réalise une œuvre de vengeance dans laquelle la violence seule peut conduire le pêcheur à s’autodétruire, à mesure qu’il perçoit la foule déchaînée comme le miroir de sa propre monstruosité. La masse extérieure rythme de ses cris et de ses chants ce qui s’apparente à une malédiction, incarnée à l’intérieur de la maison par le sort jeté à Monteverde sous et derrière son lit ; elle finit pourtant par devenir muette, véritable chœur antique qui terrifie la famille et accélère le processus de destruction.


La Llorona constitue certainement la plus belle réussite du cinéma de genre pour l’année 2020 : le fantastique sert le politique pour donner vie à un long métrage tout à la fois historique et fictif, regard critique porté sur la société guatémaltèque dans la continuité de Nuestras Madres (Cesar Diaz, 2019).

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le 19 janv. 2021

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