Le polar est un genre parfois nerveux, aride, sale, poussiéreux mais rarement au niveau produit par La loi de Téhéran, qui nous permet de découvrir un pan de l’Iran, sous un autre jour que celui qu’on a l’habitude d’arpenter, chez Kiarostami ou Panahi, par exemple. La filiation c’est plutôt Friedkin – qui offre par ailleurs la phrase d’accroche sur l’affiche et dans la bande annonce :  » L’un des meilleurs thrillers jamais vus ». Si c’est Bill qui le dit !


     Le film s’ouvre sur une séquence d’intervention qui donne le ton : Les flics font une perquise, défoncent des portes. L’homme recherché était finalement sur le toit et s’enfuit, un policier le poursuit. Le dealer tente de se débarrasser d’une brique de crack puis tombe dans une fosse de chantier, qui sera illico recouverte de terre par une pelleteuse, ses cris masqués par le bruit de l’engin. C’est intense, glacial, sans appel.


     Et ce n’est que le début d’une traque labyrinthique, obsessionnelle, fiévreuse, dans une société Iranienne à la dérive, qui semble abandonnée des dieux. Véritable film coup de poing, qui ne lésine sur rien, La loi de Teheran – qui s’intitule en version originale 6,5 en référence au nombre de millions de drogués dans le pays – réussit essentiellement dans sa matière documentaire, fruit d’un méticuleux travail d’observation.


     Le récit s’arrime aux flics dans leur recherche d’un important narcotrafiquant. Avant d’adopter, sans qu’on l’ait senti venir, le point de vue du gros truand qui devient le porte-parole des miséreux, afin d’effectuer un miroir puissant entre le chasseur et sa proie,  de remettre en question la dignité des forces de l’ordre et la justice sévère d’un pays dévoré par la pauvreté.


     Saeed Roustayi n’hésite pas à filmer la misère et la foule, aussi bien dans cet amas de tuyaux de béton que dans cette salle carcérale poisseuse et exiguë. Il faut que le plan soit surchargé de corps, en permanence, quand elle n’est pas dans le bruit. En effet la bande son est quasi entièrement faite de dialogues, de cris, de pleurs.


     Et dans ce dédale aussi vertigineux que nauséeux, émergent de brèves saillies, aériennes (La démonstration de gymnastique d’un petit garçon) ou brutales (une exécution groupée nocturne). Bref ça calme un peu. Une sorte d’Anti BAC nord, en somme, tant ça ne valorise rien, n’embellit rien. C’est à peine si le film tente un pas de côté poétique. C’est âpre, dur, sans concession, à l’image de la société Iranienne in fine.

JanosValuska
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le 12 oct. 2021

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