Il y a quelques jours, en rédigeant mon avis sur « La tête haute », je regrettais, entre Bercot et Kechiche, le manichéisme du cinéma social français appelant de mes vœux le film qui saura un jour traiter d’un sujet difficile de société sans angélisme ou pessimisme. Stéphane Brizé l’a fait !


« La loi du marché » est un film qui sonne juste dans ce sens où il étudie avec réalisme et acuité des moments difficiles d’un homme intègre, courageux, Thierry, se retrouvant au chômage à un âge malaisé. De ces quelques scènes de la vie ordinaire (pour beaucoup), son combat (préserver son unité familiale, sa dignité, ses forces…) est exemplaire. Et c’est cet exemple que Stépahne Brizé distille dans son récit, loin de tout pathos ou de compassion.


Thierry se veut la référence de l’humanité, dans le sens noble du terme, et des valeurs intrinsèques qu’elle représente Chaque moment, chaque instant filmés révèlent la psychologie, et les fondements de cet homme admirable avec une exactitude non pas seulement réaliste, mais emprunt de la réalité. Impuissance de Pôle Emploi, banquière rigide face aux difficultés, morgue de la loi du marché (les scènes au magasin sont magistrales), remise en question… Tout y passe. Tout se joue en réel, ou presque. Brizé signe ici une chronique amère de notre société, sans prise de position, il en dénonce les mécanismes « humanophages ». Thierry, c’est Vincent Lindon, enfin débarrassé de ses travers d’acteur torturé, ascétique, il joue ici sur un velours de probité et de délicatesse rarement égalé donnant à son personnage son âme, sa foi et sa colère. Il est entouré d’acteurs amateurs formidables, renforçant la véracité de l’action mais surtout sa sincérité propulsant « La loi du marché » comme un film témoin de cette sombre décennie, de cette crise meurtrière, de ce drame sociétal vécu par beaucoup.


De « Nos vies heureuses » à « Quelques jours de printemps », Stéphane Brizé n’a de cesse d’explorer le « petit » monde qui l’entoure, avec ses failles, mais aussi ses grandes victoires pleines d’espoir, avec « La loi du marché » il va au bout de sa démarche et nous entraîne dans son sillage. Respect !

Fritz_Langueur
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le 21 mai 2015

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Fritz Langueur

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