Il est facile de mépriser cette "Loi du Marché" en se contentant de déplorer la confusion que souhaite créer Stéphane Brizé entre documentaire façon Depardon (acteurs non professionnels, conversations filmées à distance, personnages vus de dos, etc.) et fiction militante, ou encore un scénario qui semble abuser en ajoutant un fils handicapé aux malheurs de son héros laminé par la barbarie capitaliste. Ces critiques sont valides, et justifient peut-être qu'on désavoue la démarche de Brizé. Reste que le sujet du film "tient tout seul" : cette accumulation d'humiliations vécues au long du parcours d'un homme qui encaisse sans broncher - il faut noter la justesse de Vincent Lindon, qui en fait très peu, mais le fait très bien - nous plonge rapidement dans une empathie malaisante, et fait du film une épreuve émotionnelle indiscutable, sans pour autant avoir recours aux vieilles ficelles du mélodrame social ou - justement - du film à thèse. De par sa sobriété sèche, et avec son refus très honorable d'une résolution finale, ou même d'un simple exutoire aux frustrations du personnage principal (et des nôtres), "la Loi du Marché" fonctionne en fait mieux que, par exemple, pas mal de films de Ken Loach aux sujets assez similaires. Pour cela, on lui pardonnera beaucoup. [Critique écrite en 2015]