Le titre de travail du dernier film de Kornel Mundruczo, l'auteur de Delta et de White God, était quelque chose comme L'homme volant, un pis-aller alors que le réalisateur souhaitait donner un intitulé poétique. Et c'est en découvrant qu'une des lunes de Jupiter avait été baptisée Europe, que Mundruczo a trouvé son titre, bien qu'un peu tiré par les cheveux. Pour le cinéaste, La lune de Jupiter est son film le plus hongrois, celui où il a pris le temps d'ausculter une société vraiment sur la mauvaise voie. Mais on peut juger aussi que le caractère de cette allégorie est totalement européen, dans le sens où tous les pays sont confrontés aux mêmes "problèmes", à commencer par celui des migrants ou réfugiés. Mundruczo répète à qui veut l'entendre qu'il ne s'intéresse pas plus que cela à la politique et que son film a davantage l'ambition de refléter des questions morales dans nos sociétés désormais obnubilées par l'horizontalité des échanges en négligeant la verticalité ou, autrement dit, plus matérialiste qu'inspirée par la spiritualité. Certains auront peut-être l'impression que Mundruczo prêche, avec son réfugié volant, sorte d'ange tombé de Syrie pour nous rappeler que nos vies ne sont que cynisme et haine de ce qui est étranger. Mais c'est oublier que La lune de Jupiter est aussi un thriller, très physique, rythmé par des courses poursuites et, en opposition, des moments planants. Comme si nous n'étions qu'en mouvement pour ne pas avoir à réfléchir et incapables de prendre le temps de regarder vers le haut. S'il est imparfait et nettement moins bluffant que White God, La lune de Jupiter pose des tas de questions dont les réponses appartiennent d'abord au spectateur. Et c'est en cela qu'il est nourrissant et passionnant.