Lorsque James Whale conclue son diptyque sur la créature de Mary Shelley avec "La fiancée de Frankenstein", il ne se doute pas encore que celle-ci apparaitra dans pas moins de cinq longs-métrages. De Boris Karloff, le rôle du géant recomposé de cadavres humains passera entre les mains de Lon Chaney jr mais également dans celles de Glen Strange qui lui donnera ses deux dernières incarnations. "La maison de Frankenstein" sort donc en 1944 ouvrant la voie des "mash-up" ou "cross over", un procédé consistant à fusionner plusieurs univers.
Véritable boîte à monstres, la Universal va se révéler sur le papier extrêmement opportuniste offrant un dernier segment gonflé de références victoriennes. Pas moins de cinq personnages emblématiques le l'ère gothique vont se croiser dans cet opus : Le savant fou, le bossu, Dracula, le loup-garou et l'indécrottable créature de Frankenstein. Un pitch rocambolesque, une armada de freaks et une micro-durée (1heure et 7 minutes) pour convaincre le cinéphile bien perplexe devant son boitier de DVD affichant tous les anti-héros du XIX ème siècle.
Pourtant dès les premières scènes, le savoir-faire du réalisateur Erie C. Kenton va se révéler des plus efficace. Quelques travellings installent un prologue pluvieux. Une prison faite de pierre et de fer offre le premier décor somptueux du film découpé en travellings souples révélant un geôlier attrapé à la gorge par une large main. Chaque bobine sera à l'image de cette scène à la fois concise, filmée avec passion et jamais régressive. La maison de Frankenstein est un pur produit de qualité évacuant à l'inverse de James Whale un auteurisme caché au profit d'un spectacle conscient de ses effets. Whale s'identifiait à la créature provoquant l'inévitable empathie, Kenton en offre une dimension moins large plus mythologique et de nouveau mystérieuse. La créature est à nouveau redoutablement dangereuse.
Mc Guffin de cet opus, la créature de Frankenstein ne sera finalement retrouvée qu'au dernier tiers du film laissant la part belle à son confrère transylvanien dont la présence à l'écran bien qu'infime s'avère séduisante. Dracula conserve donc son charisme et ce ne sera pas le seul point commun avec le roman de Bram Stocker. Le film s'appliquera donc à donner un temps de présence à chaque personnage et des motivations propres pouvant aller en contradiction avec l'objectif premier du savant fou: Reprendre les travaux du docteur Frankenstein.
Le savoir-faire et le soin apportés à la lumière et aux décors (ombres portées et expressionnisme allemand hérité du muet) ne seraient rien sans la fibre émotionnelle émanante du personnage de la gitane, véritable épicentre érotique offerte à nos bêtes. Un triangle amoureux se formera entre le bossu, le loup garou et la belle causant larmes, violence et désespoir. Une thématique émouvante pas si éloignée des ravages de l'amour brossés par Cocteau dans "La belle et la bête".