Cimino aux heures désespérées du Nouvel Hollywood

Le Nouvel Hollywood s’est construit en partie sur un rapport aux images tant fétichiste que maniaque. Brian de Palma a ainsi creusé ce sillon en développant une poétique iconoclaste paradoxale, car mêlée d’idolâtrie. C’est que l’objectif de la caméra, en plus d’être animé chez lui par une pulsion scopique et par une nervosité tout hitchcockiennes (telle qu’elle se manifeste de façon paroxysmique dans Vertigo), vibre d’une forme d’énergie surnaturelle et inassignable, qui fait constamment osciller la mise en scène entre poussées avant-gardistes et extase béate face aux visions qu’elle a produites : la scène de la poursuite au musée dans Dressed to kill (1980) le synthétise admirablement : mouvement et fixation du regard, fuite et pose de l’objet structurent entièrement le montage. Ce rapport aux images simultanément érotique et glacé, tel que le caractérise Jean Douchet lorsqu’il analyse la séquence inaugurale (et programmatique) de Dressed to Kill (désir et répression du désir se fondant dans la même pulsion morbide), s’il est très loin de transparaître dans ses deux films les plus révérés (The deer hunter en 1978, et Heaven’s gate en 1980), s’incarne discrètement chez Michael Cimino dans Year of the dragon (tourné en 1985, après l’échec de Heaven’s gate) en son acteur principal, Mickey Rourke, qui est bien celui qui brise les images et dérange l’ordonnancement du plan. Dès le début, il rompt (à l’inverse de Kris Kristofferson dans le préambule de Heaven’s Gate, qui était obligé de rattraper la procession en marche) le mouvement de la procession funèbre en marchant à contre-courant puis en s’interposant entre Tracy, la journaliste (interprétée par Ariane Koizumi), et la caméra qui la filme. C’est seulement lors de la cérémonie funéraire qui a lieu après le meurtre de sa femme, que la fougue iconoclaste de Stanley White (Mickey Rourke) se trouve euphémisée pour laisser place à un pur moment de nostalgie, pause narrative aussi douloureuse que nécessaire en ce qu’elle trahit la vulnérabilité d’un cow-boy solitaire (le chapeau dont il semble avoir fait son emblème) qui a finalement passé sa vie à courir après des images (aspect qui devient d’autant plus tangible lorsqu’il se rapproche de la journaliste) pour en chasser d’autres (l’échec de son couple).


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le 28 nov. 2016

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