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En mode Schwarzenegger, je vous dirais de suite que c'est chiant comme une 4L, long de 3h30 avec quasiment que des champs contrechamps fixes et interminables, centrés sur 2 ou 3 personnages austères bloqués en mode longues diatribes incompréhensibles, bobo jusqu'à l'os, et surjoué par des acteurs théâtreux imbuvables qui récitent leurs textes dans ce qu'il y a de plus archétypal de la Nouvelle Vague, bref du 0% d'efficacité spectaculaire ou divertissante.

Maintenant, même sans être en mode Aware, La maman et la putain est plutôt accessible, sensible et résonnant avec notre époque puisqu'il parle avant tout d'amour. Alors, tomber sous le charme bourgeois punk nonchalant de Léaud et de sa voix, son phrasé, son rythme, son aisance, sa spontanéité revêche toute citadine peut devenir un intense bonheur qui rappelle forcément quelqu'un et/ou une partie de soi-même, visible ou cachée. Parisien soit disant journaliste, typiquement cérébral, prétentieux, égocentrique, nihiliste, flemmard, accosteur et flâneur professionnel revenu de tout et de tout le monde, qui vit et bouillonne dans l'alcool, la fumée, le sexe, la glande, les vynils atypiques, l'inattendu attendu et une farouche envie de théoriser le moindre instant de sa vie, Jean-pierre Léaud devient quasiment une petite drogue dont on attend à chaque instant le petit shoot de désœuvrement qui va suivre, toujours dans la parole, jamais dans l'acte vulgaire.

Vraiment un film intime qui se vit comme un livre ou une conversation autour d'un verre au café, où l'on plonge peu à peu dans la magnifique vérité de ces personnages pour le moins torturés, mais aussi terriblement humains et touchants. Toute la distribution use pourtant de ce jeu contenu souvent (et aussi à première vue) très mauvais, ton monocorde, intonations forcées, mais c'est cette même particularité, comme une quintessence même de la Nouvelle Vague, qui magnifie l'ambiance de désinvolture feignante et rebelle, un jeu tout en reliefs cachés donc et un noir et blanc aux multiples sensations de chaud et froid qui montre bien que la mise en scène discrète est tout sauf le fruit du hasard.

Mais le film va beaucoup plus loin que cette première approche un peu "Valseuses" bobos sur les bords et cérébrale au milieu. C'est la joie d'assister au laisser aller rêvé d'un homme persuadé de savoir ce qu'est être libre dans la première moitié et c'est la part cachée, occultée de cette "liberté" qui écrase la seconde partie lorsque Veronica, qui jusque là écoutait plus qu'elle ne se livrait, décide de parler. Parler vrai, se vider, crier pour mieux remettre les choses à leur place et finalement terrasser tout le monde dans un final en forme de dégueulis lucide. Dans la confiance féminine qui envahit bientôt l'appartement (le seul décor avec un peu de Paris et le café en gros), Bernadette Lafont, troisième membre du trio infernal, lui emboîte le pas. Et franchement, craquer sur Bernadette Lafont, j'aurais pas cru ça possible.

Cette seconde partie moins facile d'approche, au discours davantage sous tendu d'un réalisateur en pleine montée de réalisme implacable, peut être vécu comme une étrange et confuse remise à terre. Mais je dois être bien mûr pour ce genre d'ambiance et de réflexion sanguine et gracieuse sur la vie, c'est la grosse claque. Le plan final tout sauf évident me hante déjà.

A part les Valseuses... Ou les quelques Godard que j'ai vu, je dirais la trilogie Flesh Trash Heat par moment et un peu de Wong Kar Wai aussi. Ah oui, longueur d'ondes parce que je pense que tout ce film est une histoire de longueur d'ondes, que ce soit entre les personnages ou entre le film et le spectateur.
drélium
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le 19 févr. 2011

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drélium

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