Je continue à découvrir la filmographie de Miike dans le désordre (de toutes façons c'est peine perdue vu son palmarès), après son chambara assez sympathique, à la fois classique et moderne, j'ai nommé 13 assassins. Le style du film est ici bien plus délirant et exubérant, faisant surgir des scènes d'animation en pâte à modeler et d'autres de comédie musicale, au sein d'une histoire a priori banale qui fait le giron de tout un pan du cinéma contemporain japonais : une famille dysfonctionnelle qui essaie d'être heureuse en s'unissant autour d'un projet commun, la maison d'hôte. Sauf que ça dégénère lorsque chaque nouveau client décède dans des conditions bizarres, et que la famille apparaît plus unie que jamais dans la gestion de ce problème. L'introduction annonce la couleur en nous proposant un jouissif et plutôt étrange jeu de massacre, histoire de nous dire que la mort ne sera pas prise au sérieux.
Les scènes musicales interviennent toujours pour exprimer les émotions ou les prises d'initiatives majeures des personnages - l'indicible - de manière surréaliste : la peur devant la mort, le sentiment d'amour, la perte d'un être cher, le bonheur... Elles ont un style proche des comédies américaines (une allusion à La mélodie du bonheur?) mais tournées à la bouffonnerie flirtant avec le mauvais goût et l'humour noir, ce qui produit quelque chose d'unique, une sorte de poésie baroque et détraquée qui m'a rappelé vaguement The taste of the Tea. Le fruit symbolique de ce film est magnifique : il prend racine dans ces ruptures de ton avec le réalisme ambiant, qui invite à dédramatiser la mort, et à goûter simultanément la vie avec volupté. La dernière séquence va exactement dans ce sens, et elle est l'une des plus belles et les plus allumées que j'ai vu depuis un certain temps.
Il est juste dommage que la narration soit légèrement répétitive dans sa structure, reprenant pratiquement le même schéma d'un bout à l'autre (mort, scène musicale, enterrement) avec heureusement quelques variantes, mais pouvant quand même provoquer un léger ennui à la longue. J'ai aussi l'impression qu'il y a eu quelques difficultés pour boucler la boucle des décès. Heureusement, la mise en scène est si inventive que je passe facilement par-dessus ces défauts. Sans oublier certains personnages collectors (le militaire mythomane, le couple avec le sumo), et les acteurs qui sont à fond dedans, n'hésitant pas à réaliser des chorégraphies pourtant bien ridicules, et affichant ainsi une attitude modèle vis à vis de la vie et de la mort, passant par le second degré. Encore une petite perle du cinéma nippon, et il rentre d'office dans mon top 5 en comédie musicale.
En résumé, La mélodie du bonheur est un mélange assez réussi et pourtant improbable entre comédie musicale, film d'animation, et histoire macabre, sur un thème incontournable du paysage cinématographique nippon : la quête du bonheur au sein d'une famille dysfonctionnelle.