La Mémoire assassine
7.1
La Mémoire assassine

Film DTV (direct-to-video) de Won Shin-Yeon (2017)

La distribution des films dans les salles françaises a toujours été un sujet de débats. Il faut dire que même si nous sommes plutôt bien lotis, avec environ un millier de films distribués dans l’Hexagone sur les environ 1500 films produits chaque année, nous avons une offre assez diversifiée. Toutefois, il faut l’admettre, bien des films qui le mériteraient sont très mal distribués, notamment hors des grandes villes et, pire, une partie d’entre eux ne trouvera jamais le chemin de nos salles. Et c’est le cas de ce Memoir of a Murderer, thriller sud-coréen primé cette année au Festival international du film policier de Beaune, et qui sortira sur la plateforme e-cinema.com qui distribue des films étrangers ne sortant pas en salles. Une consolation au vu de la qualité d’un film qui, sans aucun doute, aurait pu trouver son public chez nous.


Et si Memoir of a Murderer s’avère être hélas voué à ne pas être projeté dans nos salles, ce n’est pas parce que c’est un mauvais film, loin de là. Car le film de Won Shin-yun est un véritable thriller tortueux où l’évidence n’a jamais sa place. Le personnage principal, ancien tueur compulsif, justicier anonyme ayant choisi d’éradiquer tous les individus commettant des injustices, se retrouve confronté à ses propres démons et rongé par une maladie d’Alzheimer qui efface ses souvenirs, ne lui laissant que des moments de lucidité épars. En commençant par la fin, en jouant sur des flashbacks et en faisant des allers et retours, le film tord le temps, donnant juste un minimum de repères au spectateur pour qu’il puisse parvenir à suivre l’histoire.


Bien entendu, ce n’est généralement qu’une illusion. En effet, le grand point fort de Memoir of a Murderer réside dans son montage, qui parvient à construire et à déconstruire le récit, en jouant sur les pertes de mémoire subites du héros pour chambouler les évidences. C’est là la grande réussite du film : parvenir à nous faire rentrer dans la tête du personnage principal pour subir les mêmes égarements et être aussi déboussolé que lui. On est littéralement dans la peau du héros, le récit s’empare de nous et nous embarque dans un véritable labyrinthe mental où l’on pense enfin comprendre le fil de l’histoire et de l’enquête mais, en réalité, on est aussitôt perdu et les certitudes s’égarent. Le film n’hésite pas à multiplier les twists et contre-twists pour encore plus surprendre le spectateur, laissant à chaque fois entrevoir un nombre énorme de possibilités quant à la suite de l’histoire, une marque de fabrique des grands thrillers sud-coréens, dont Memoir of a Murderer fait sans aucun doute partie.


D’ailleurs, comme la plupart des films issus du pays du matin calme, Memoir of a Murderer n’hésite pas à mélanger les genres. Bien que largement affilié au genre du thriller, il n’hésite pas à se permettre quelques instants comiques et, par moments, s’aventurer vers l’horreur. C’est d’ailleurs une des grandes qualités de ce film et du cinéma sud-coréen en général, de parvenir à mélanger et associer les genres avec harmonie et toujours avec pertinence. Le jeu de Sol Kyung-Gu permet d’ailleurs d’alimenter ces variations, à travers l’interprétation de ce personnage taciturne, capable d’accès de violence terrifiants, tout comme d’être un bonhomme sympathique et sans histoires. Cela permet donc d’ajouter cette profondeur nécessaire au personnage, attachant par son aspect de victime de la maladie, mais aussi repoussant par sa nature de tueur invétéré.


Memoir of a Murderer n’a certes pas la puissance, par exemple, d’un Memories of Murder, puisant dans les travers sociaux d’un pays pour donner encore plus de rayonnement à son intrigue et en faire un film parvenant à se doter d’une dimension politique. Toutefois, cela ne doit pas enlever de crédit au film de Won Shin-yun, qui parvient ici à donner vie à un thriller prenant, avec quelques petites longueurs par moments il faut l’admettre, mais dans lequel on se plaît à se perdre et à être incapable de véritablement distinguer le vrai du faux, jusqu’à la fin, proposant de nombreuses pistes d’interprétation. J’ai eu la chance de le visionner en salle lors de la 96ème Cinexpérience de SensCritique et, malheureusement, je ne pourrai vous recommander de le voir au cinéma, mais vous pourrez toutefois le découvrir sur la plateforme e-cinema.com, où vous pourrez découvrir d’autres films très intéressants, que je compte également découvrir. Amateurs de thriller et de cinéma sud-coréen, n’hésitez pas un instant !

JKDZ29
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le 19 avr. 2018

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