Première critique que je poste et pas sur n’importe quel film, car il y a en effet deux sortes de films : ce qui peuvent plaire ou déplaire à la majorité et ce qui peuvent faire l’admiration de certain ou la haine des autres. Et aujourd’hui c’est bien la deuxième catégorie qui nous intéresse avec La Montagne Sacrée d’Alejandro Jodorowsky dont je vais tacher d’expliquer, avec une certaine objectivité d’abord, les tenants et les aboutissants.

Tout d’abord dans un film de Jodorowsky on passe de la guerre à l’amour, de la technologie moderne à une civilisation romaine, de la prostitution à la religion, du milieu urbain au désert, du papier au dessert, du sommeil à la colère, de la musique classique à la musique plutôt jazz, de la mort à des envols d’oiseaux, de la terre ferme à une altitude plutôt vertigineuse et en un plan, de pictogramme blanc sur fond noir à des pictogrammes noir sur fond blanc. En somme dans un film de Jodorowsky on passe du coq à l’âne ou même plutôt du chameau aux béliers avec une certaine fluidité qui, malgré l’opposition contradictoire dans ces associations, rendent l’histoire linéaire. N’oublions pas non plus le passage du chevelu au chauve de la première séquence mais aussi le chauve-chevelu sur un même protagoniste en la personne de Jodorowsky.
D’autres oxymores filmiques sont à noter comme l’arc-en-ciel dans un bâtiment ou bien le passage d’un langage adialectique à une conversation très compréhensible. On supprime la colère par l’hypnose, la chirurgie et l’ablation d’une sorte de kyste aussi dans un film de Jodorowsky et on peut même transformer des matières fécales en or.
On passe d’un univers complètement ésotérique à un milieu très industriel dans lequel les décisions du patron sourd muet et aveugle sont dirigées en fonction de l’humidité du sexe de sa femme momifiée. Le fils du patron, lui, décidant de la promotion de ses ouvrières par le simple fait de leur faire l’amour (uniquement sur le lieu de travail d’ailleurs).
On assiste à l’orgasme d’un vagin électronique par un bâton géant, à un spectacle de cirque mené par une dirigeante totalitariste et pro-armée allant jusqu’à conditionner les enfants à la guerre. On rencontre des personnes et des décors qui semblent très anachroniques mais qui se rejoignent et se suivent d’une façon très simple peut-être trop simple voir arrogante.
On voit beaucoup de nu chez Jodorowsky, du nu masculin, du nu féminin, du nu pas tout à fait nu, du nu pas très musclé au presque nu très musclé, du nu solitaire mais surtout en groupe et aussi le nu artistique qui pour l’art prends le corps humain en tant qu’œuvre. On voit aussi des gâteaux certains qu’on mange, d’autre qu’on détruit. On trouve beaucoup de choses protéiformes dans le corps humain : des légumes, des fruits, des plantes, des animaux, et surtout du sang mais pas souvent rouge.
Maintenant qu’on a fait un tour pas totalement exhaustif de ce qu’il y a dans le cinéma de Jodorowsky, on peut traiter désormais de l’histoire qui nous emmène à cette montagne sacré. La montagne sacrée va être une métaphore du saint Graal, en effet la découverte de cette montagne va permettre aux différents protagonistes d’accéder à l'immortalité.
On débute par l’introduction du personnage qu’on va tout de suite assimiler au Christ. Cette ressemblance va emmener ce personnage à être manipulé pour utiliser son image à la fabrication de Christ en statut ce qui va provoquer chez lui une certaine colère qui peut être assimilée à un adage bouddhiste disant que lorsque qu’on reproduit l’image d’une personne alors celle-ci perd une partie de son âme.
La deuxième partie du film sera consacrée d’une part à la découverte de l’alchimiste qui se consacrera à l’initiation du voyageur et de l’autre à l’introduction des 7 personnages incarnant chacun des personnes puissantes et riches et représentées selon les planètes du système solaire. On voyage donc à travers les personnages et presque à travers les époques. L’alchimiste va alors les initier et enfin les guider dans cette quête qu’est la recherche de l’immortalité. S’en suivent différentes péripéties jusqu’à cette fin inattendue, métaphorique et très forte de sens que se sent obliger de nous expliquer Jodorowsky.
Finalement je ne connaissais pas Jodorowsky ni avant ni après ce film, et le bougre m’a fait poser beaucoup de questions et d’interrogations sur ce qu’est le cinéma car il est vrai qu’un bon film se laisse apprécier justement par l’inattendu et ici l’inattendu est partout, ce qui, pour un spectateur non averti peut être très déroutant et gâcher le plaisir du film. Et puis j’ai vu ce documentaire sur le projet avorté de Dune et j’ai enfin découvert le personnage, ses ambitions et son envie d’ « ouvrir l’esprit » des gens. Et en effet ce n’est pas avec des blockbusters préconçus ou des histoires vues et revues qu’on pourra ouvrir notre esprit au vrai art qu’est le cinéma, et même si je ne défendrais pas tous ses films je pense sincèrement que celui-ci est le réel symbole d’un cinéma-art dans lequel le cinéma est le support de tous les arts. J’ai une citation qui colle je pense très bien à l’œuvre de Jodorowsky, même s’il faut changer le contexte, de Claude Bernard qui dit « Ce que nous connaissons est un grand obstacle à ce que nous ne connaissons pas ».

Buk_minster
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le 21 mars 2023

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Samuel Just

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