Moirure des drapés, suavité des soies, crinière léonine inamovible, … c'est parmi cet écrin que se meurt le Sire Louis XIV. Les apparences doivent être gardées, de même que le calme afin de préserver son Altesse des affres de la trop terrestre mort. Voilà ce que nous montre Albert Serra pendant presque deux heures, la lente agonie du Roi Soleil atteignant inexorablement son crépuscule. Presque deux heures d'un corps exsangue sublimé par le décor et les accessoires qui l'entourent ainsi que par la cour et les personnages les plus illustres qui viennent à son chevet. Une action presque nulle, tout comme le suspens que le titre annule d'emblée; des mouvements absents, si ce n'est intérieurs; une réflexion réduite à néant ou plutôt l'ébauche d'une réflexion sur le néant, surtout sur la vanité de l'homme face à sa finitude.


Montrer au spectateur une chambre close, dans une pénombre quasi absolue seyant à merveille à la situation du protagoniste, où il ne passe rien de plus que la mort filmée «en direct» relève à la fois de la provocation et du génie – à la condition que cela soit réussi. Or, si la caméra cadre parfaitement les portraits des courtisans et toutes les nuances – les plus terribles – de la physionomie du Roy (remarquablement interprété par un J.-P. Léaud troublant de justesse), les plans fixes interminables sur cette haute figure de l'Histoire de France que la mort humanise lassent assez vite et deviennent aussi présomptueux que n'a pu l'être cet homme au cours de sa vie. Aucune intrigue ou bruits de couloir venant se mêler à cette inarrêtable chute dans le sommeil éternel, aucun apport extérieur venant troubler la plate et monotone annulation de l'existence, pas le moindre mouvement de caméra venant exalter les scènes se répétant invariablement jusqu'au point où tout le monde ne désire plus que la fin du roi – et donc, celle du film. De plus, privé de déplacement physique mais aussi mental, le spectateur se retrouve dans la position passive de celui qui veille le mourant, impuissant, ne pouvant rien faire de plus que contempler celui qui, il est vrai, était si attaché à la question de l'apparence et donc du Beau. Un bel essai, donc, qui aurait gagné à être plus profond et moins contemplatif.

Marlon_B
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le 7 mars 2017

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Marlon_B

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