L’union Soviétique vit sous le joug de Staline depuis 30 ans quand il succombe ce 2 mars 1953 foudroyé par une attaque cérébrale. Durant les jours qui suivent sa mort tandis que se préparent des cérémonies exceptionnelles en hommage au «petit père des peuples» une lutte sans merci va faire rage au sein du Politburo pour le pouvoir suprême. Qui succédera à Staline ? Son adjoint Malenkov ? Beria le chef du NKVD la redoutée police politique ? Khrouchtchev le rusé responsable du parti à Moscou ? Ces jours terribles vont concentrer toute la démence, la perversité et l’inhumanité du totalitarisme.


Ne vous fiez pas au montage trompeur de la bande-annonce du film qui laisse croire à une comédie frénétique « déjantée » qui ne rend absolument pas justice à la mécanique de précision comique qu’est La Mort de Staline un must de comédie british qui dépeint le tableau terrifiant et absurde mais affreusement drôle d’un système totalitaire en pleine folie.Une mécanique comique où la cruauté se dispute en permanence au burlesque.


Une des forces du film , adapté de la bande-dessinée française de Thierry Robin et Fabien Nury par Armando Ianucci, scénariste et réalisateur anglais créateur de la série britannique The Thick of It et de la série Veep sur HBO tient a ce qu’il ne se déroule pas dans une URSS de carnaval mais dans une reconstitution rigoureuse de la Russie des années cinquante. Un enfer paranoïaque ou un mot déplacé peut vous condamner à mort ou vos enfants peuvent vous dénoncer à la police qui débarque toutes les nuits rafler les malheureux que Staline a couché sur ses funestes listes de condamnations à mort collectives.Mieux la plupart des scènes y compris les plus loufoques sont issues d’authentiques anecdotes. Seuls leur dramaturgie et les dialogues sont le fruit de la fiction.


La Mort de Staline est un film sur la banalité mais surtout la petitesse du mal, l’effroyable système totalitaire n’est pas le fruit de monstres ou de vilains opératiques mais de personnes médiocres. Les apparatchiks de La Mort de Staline sont des individus mesquins veules mais le film ne laisse jamais perdre de vue que ces clowns sont aussi d’implacables meurtrier de masse. L’humour côtoie en permanence l’horreur avec un timing parfait , quelques secondes parfois les séparent, suffisantes pour que les deux soient effectives. Ainsi dans les sombres caves du NKVD oú en fond sonore permanent retentissent les « Vive Staline » , suivi de détonations, des prisonniers qu’on abat d’une balle dans la tête (ce sont eux qui crient vive Staline !) on parvient à rire (jaune) du quand on voit Beria organiser les tortures à la façon du chef d’entreprise qui gère ses journées. Mais l’arme secrète du film se trouve dans ses dialogues au rasoir et le choix de les rendre complètement modernes ce qui renforce l’authenticité , les membres du Politburo s’insultent se vannent et nous apparaissent comme des êtres de chair et de sang et pas des caricatures ou des images figées de livre d’Histoire.


Pour les incarner Iannucci a choisi une troupe d’acteurs géniaux. Avec son débit mitraillette, son air en permanence exaspéré Steve Buscemi se débat, comme son personnage de Réservoir Dogs, pour survivre et atteindre son but. Si il nous apparaît le plus raisonnable de cette bande le film nous rappelle bien vite que « Niki » Khrouchtchev n’est pas arrivé au pouvoir par hasard. La révélation du film pour moi est l’incroyable Simon Russell Beale, déja trés bon dans la série Penny Dreadful qui explose ici dans le rôle de Beria ignoble tortionnaire, pédophile mais parfaitement lucide sur sa propre nature et celle du régime. Jeffrey Tambor (Transparent ) génial en dauphin de Staline , dépassé dont on perçoit bien qu’il n’a pas l’étoffe trop faible et trop lâche pour triompher dans cette course sans pité. Et quoi de plus naturel que de retrouver dans cet enfer absurde un ancien Monty Python le génial Michael Palin incarne Molotov fidèle absolu du petit père à la fois idiot et ignoble. Autour d’eux gravitent d’excellents second rôles Rupert Friend (Homeland) est un pathétique fils du tyran , Andrea Riseborough incarne sa sœur Svetlana tragique objet de toutes les attentions des comploteurs ou Jason Isaacs en Joukov exubérant maître de l’Armée rouge. Staline lui-même est incarné par Adrian McLoughlin qui en quelques minutes et peu de dialogues parvient à dépeindre une figure cruelle d’un tyran parfaitement conscient des horreurs qu’il provoque.


Conclusion : Je ne saurais trop recommander cette géniale comédie noire (rouge devrais-je dire) sur le pouvoir, la dictature et la petitesse des hommes oú l’horreur glaçante se mêle au burlesque. Menée par une troupe de comédiens fantastiques avec des dialogues d’anthologie La Mort de Staline est un des meilleurs films de 2018.

PatriceSteibel
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le 6 avr. 2018

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