Qui a dit que les retraités se la coulaient douce ?

Voir Clint Eastwood à l'écran stimule une certaine admiration pour ce monstre du cinéma américain. Ses derniers films, tout comme ses prestations qui se font de plus en plus rares, endossent la responsabilité d'histoires vraies, rendant hommage à des actes insolites ou de bravoure d'américains populaires ou non. Ici, il se fond dans la peau d'un passeur de drogues des cartels mexicains, passé longtemps inaperçu aux yeux des autorités grâce à son grand âge. Sous des airs de chasse-à-l'homme, La mule est avant tout l'histoire d'un homme qui n'a plus rien à perdre, esseulé et démuni. Le portrait de ce vieil homme en quête de rédemption se révèle touchant, saupoudré d'autodérision et de répartie inattendue. Eastwood se montre sous un jour plus sensible, moins autoritaire et borné que dans Gran Torino où il jouait aussi un ancien combattant. C'est une belle performance où l'acteur se lâche dans son jeu, donnant ainsi un plaisir de vivre épanouissant à son personnage.
Etonnement, le drame familial ainsi que tout le passé du personnage principal s'impose comme plus poignant que le film de drogue à la violence banale. Certes, par ce genre prévisible, le réalisateur pointe du doigt une réalité sociale d'une Amérique difficile où les citoyens du troisième âge survivent dans des conditions rudimentaires. L'émotion se marie aisément à la drôlerie, ce qui créé un décalage intéressant qui constitue toute l'ampleur du film. Le road-movie, quant à lui, segmenté en missions, offre des paysages plutôt répétitifs aux enjeux existentiels.
La facture classique de La mule est respectable, propre et maitrisée. Il y a un vrai plaisir à regarder ce film, entre déchirures intimes et violences des narcotrafiquants. Un suspense et une certaine tension découlent de cet étrange mélange, tout en préservant un ton léger, ceci étant surtout du au décalage de son personnage. Bon, par contre, le monstre fait un peu d'ombre à ses partenaires de jeu qui s'avèrent moins percutants dans leurs rôles : Bradley Cooper et Laurence Fishburne en deviennent presque anecdotiques ! Mais on sent l'investissement personnel de Eastwood pour cette oeuvre, autant devant que derrière la caméra. L'humain est ici beau dans sa contradiction et sa complexité.

alsacienparisien
7

Créée

le 6 févr. 2019

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