Dernier round à l’écran pour le grand Clint Eastwood ?

Cinq ans après « Une nouvelle chance », Clint Eastwood, tout en officiant en tant que réalisateur, revient sur le devant de la scène. Son nouveau film, La mule, drame inspiré d’une histoire vraie, nous fait suivre Earl Stone, ancien militaire américain devenu horticulteur qui, des années plus tard, suite à des problèmes financiers, deviendra passeur de drogues pour un Cartel. Une petite virée sur les routes en compagnie de Clint Eastwood ?


Avant, il était horticulteur…


Agé de 88 ans, Clint Eastwood, qu’on n’avait pas vu dans un film depuis un bail, repasse devant la caméra. Vous l’avez aimé dans Gran Torino ? Vous allez forcément l’aimé dans « La mule ». Il a l’âge de la retraite. Peiné, je crois que c’est la première réaction que j’ai eu en revoyant l’acteur sur grand écran. Comme d’autre, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer son physique frêle de plus en plus faible, sa peau de plus en plus fripée, ses yeux de plus en plus fatigués. Surtout, j’ai éprouvé un terrible pincement au cœur. Je sais qu’un grand morceau du monde du cinéma, que tout une époque va prochainement disparaitre. En quelques minutes la surprise est de mise. N’est pas Dirty Harry qui veut ! Notre ancien inspecteur Callahan n’a rien perdu de son charisme, continue de faire bruler sa flamme de cowboy solitaire, dompte la mort ET la vieillesse. Bienvenue dans son univers, bienvenue dans un paysage typiquement Eastwoodien. Vous allez voir que physiquement, c’est peut être un grand père, Clint il a encore de la ressource et si La mule est son dernier film, l’acteur part en beauté.


Dans La mule, il incarne un nouveau antihéros qui en bave sévèrement. Le monde moderne et la société ont eu raison de sa vie professionnelle, et pour enfoncer le clou, il est brouillé avec toute sa famille parce qu’il a préféré sa vie professionnelle à sa vie personnelle. Par hasard, cet homme souriant et parfois triste, charmeur de ses dames, bienveillant envers ses fleurs et les gens en difficultés, maladroit lorsqu’il s’agit de parler de gens de couleurs ou d’homosexuels, en guerre contre les smartphone et leurs utilisateurs, et fort de caractère (des petits résidus de la personnalité de Walt Kowalski dans Gran Torino) va défier la loi pour survivre. D'horticulteur, il devient passeur de drogue pour un cartel Mexicain.


Détrompez-vous si vous pensiez que La mule serait un thriller banal copiant bêtement le pitch d’un certain Breaking Bad. Ce drame est bien plus qu’un thriller classique. Alors que sa réalisation soignée reste classique, c’est en creusant en profondeur que l’on s’aperçoit que Clint veut transmettre un message à l’ancienne et la nouvelle génération. La mule se voit profité d’une sorte de mea culpa de l’acteur pour aborder des thèmes chers à ce dernier « rédemption, réussite, échec, regrets, transmission entre ancienne et nouvelle génération, racisme, vie et mort », nous rappelant au passage que le temps ne s’achète pas.


Aussi, La mule tire sa force du développement du personnage d’Earl. Par le biais de ce personnage créant de nombreuses situations hilarantes à cause de son âge, notre biopic souligne également l'importance de la famille. Earl fait parti de ces nombreuses personnes attachant une grande importance à leur réussite professionnelle. Aux yeux de ses amis, Earl est une star, couronnée de succès. Aux yeux de sa famille, il n’est qu’une ombre. Earl a délaissé sa famille, préférant s’occuper de biens matériels. Désormais seul, il doit en payer le prix.


Et si son nouveau job lui ouvrait enfin les yeux ? Après avoir troqué son tas de boue contre un pickup de luxe puis récupéré sa maison, Earl jouera les bienfaiteurs, tout en tentant de rattraper les erreurs du passé en étant présent pour sa petite fille. Réussira-t-il à se réconcilier avec son ex femme et sa fille ? Jamais violent, jamais gore et hormis une petite scène dénudée (en même temps, vous vous attendiez à quoi dans une histoire parlant de drogue ?), La mule côtoie de près le genre road movie enjoué. Un pur plaisir que de suivre les voyages d’Earl parcourant les routes des Etats Unis jusqu’au Mexique, chantant à tue-tête des chansons de la musique country ou de vieux tubes d’antan. L’épanouissement criminel, on est en plein dedans. Dans l'illégalité, Earl, qui n'a plus rien à perdre, profite de son argent, tout en cherchant la rédemption.


En parallèle nous suivrons l’enquête jamais trop envahissante de Colin Bates interprété par Bradley Cooper, mandaté par le chef de la DEA incarné par Laurence Fishburne pour traquer cette nouvelle mule. Comme à son habitude, Cooper brille. Sûr de lui, tenace, cool, charismatique et généreux, cet agent de la DEA faisant équipe avec un Michael Peña plus sérieux que d’habitude incarne le bon flic à la fois humain et intègre. Quant au reste du casting, d’Andy Garcia en passant par Dianne Wiest (la maman adoptive d’Edward aux mains d’argent) et même Alison Eastwood (soit la fille de Clint), Clint Eastwood a recruté des grands. Finalement, pas besoin de faire tout un pataquès pour faire son retour sur le grand écran. Clint, il a livré une histoire poignante tout en douceur, une sorte de lettre d’adieu à la fois légère et bouleversante. Surprenant.



On vous a jamais dit que vous ressembliez à James Stewart ?



Au final, pas une goutte d’hémoglobine, pas de violence malgré son histoire, une musique soignée, La mule, sorte de film testament à la fois mélancolique, intimiste, léger, réfléchi, positif, drôle et émouvant, nous rappelle que Clint Eastwood est définitivement l’un des maitres du septième art. Est-ce le dernier film où nous le verrons en tête d’affiche ? Si c’est le cas, la fin de « La mule », accompagnée d’une chanson presque écrite pour l’acteur, n’en sera que plus mémorable, marquant de la plus belle des manières la fin d’un pilier du cinéma. Clairement, un must à ne surtout pas louper.

Jay77
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le 1 févr. 2019

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