Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

Paul Verlaine,
Sagesse (1881)


Earl fait faillite. Tous ses biens sont saisis. Il ne peut se raccrocher à rien ni personne.
Il comprend alors que sa vie a été vaine. Enfermé dans ses petites passions égoïstes, il s’est coupé de tous et n’a même pas profité de la vie.
Il va réagir et trouver une solution, sans doute mauvaise, mais qui lui permettra tout à la fois de profiter enfin de la vie et de s’ouvrir aux autres.


Désormais, Earl dispensera ses bienfaits autour de lui, renouera avec sa famille, aidera ses amis et jusqu’aux inconnus de rencontre. Même ceux qui pourraient lui nuire vont bénéficier de ses attentions. Il découvre plus de satisfaction dans ses bonnes actions qu’il n’en a jamais éprouvé dans la mesquinerie de sa vie antérieure.


Partout où il passe, sa bienveillance et sa sérénité apaisent les tensions. Tous se bonifient à son contact, même les méchants, même les flics. Quant à toi spectateur, pour peu que tu sois sensible à l’empathie, tu te sentiras meilleur le temps du film.


Un second coup dur l’amènera à reconnaître et assumer ses erreurs. Il comprendra alors qu’il n’a besoin de rien pour être heureux.
La dernière image le montrera dans la simplicité de la culture d’une seule fleur. La caméra prendra du recul à travers les barreaux et s’élèvera vers le ciel. Veux-t-on nous montrer le destin de Earl ? Ou bien est-ce nous qui sommes derrière les barreaux et veux-t-on nous montrer le chemin vers la béatitude ?


A l’instar de son personnage, Clint prend du recul. Il s’élève en se dépouillant des passions et des tensions qui ont fait la structure de tous ses films. Il reprend tous les thèmes récurrents de sa carrière, mais :
_Sa vision du héros qu’il a tant démoli pour le réduire progressivement à l’homme ordinaire qui agit de manière extraordinaire se réduit encore ici à la simple sagesse du savoir vieillir.
_Ses relations difficiles avec sa famille et tout spécialement avec sa fille, que nous suivons tout au long de nombre de ses films, trouvent ici un aboutissement avec la reconnaissance de ses fautes et le pardon de ses proches.
_Alors que SuperCenseur le dogmatique cache les différences raciales ou sexuelles sous le tapis ou détourne pudiquement le regard, faisant de ces différences quelque chose de honteux, Clint nomme une gouine, une gouine, un noir, un noir et les traite avec la même bienveillance que tout un chacun. Qui est le vrai raciste?
_Alors que ses personnages représentaient souvent la vengeance et la mort, ici il incarne une image messianique de bienveillance de pardon et de sérénité.


Touché par la grâce, Clint Eastwood ne nous offre pas seulement son testament, mais un parcours initiatique. Saurons-nous en tirer parti pour bien vieillir en toute sérénitude ?

-Marc-
9
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le 3 févr. 2019

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-Marc-

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