En 2008, Eastwood proposait l'un de ses longs-métrages les plus touchants avec Gran Torino. On aurait juré voir l'œuvre définitive d'une des dernières grandes figures du cinéma américain . Convoquant les spectres de ses incarnations passées (l'inspecteur Harry, Frankie Dunn entre autres), l'acteur/cinéaste semblait signer l'épilogue d'une légende bâtie sur plusieurs décennies. Dix ans plus tard, cette même impression refait surface pour La Mule. Et si Eastwood livrait son commentaire le plus introspectif en contant l'histoire d'Earl Stone (librement adapté d'un fait divers datant de 2011)? Celle d'un vieil homme essoré par l'avènement du numérique qui a broyé son commerce d'horticulture. Il doit se résoudre à devenir passeur de drogues pour le compte d'un cartel mexicain afin de conjurer ce malheureux coup du sort. Il n'est évidemment pas interdit de faire un parallèle sur la place de Clint Eastwood au sein du paysage cinématographique actuel.
Le réalisateur octogénaire apparait comme un héros romantique qui a su tracer sa route malgré les transformations radicales d'une industrie qui en ont laissé plus d'un sur le carreau. Cette analogie (évidente) se refuse pourtant à être la conclusion funèbre que les diverses bandes-annonces laissent craindre. Toujours aussi malicieux, le roc Eastwood n'a rien perdu de son humour incisif, et on passe une bonne partie du film avec la mine réjouie. Il y a de quoi, en voyant ce bougon et bon vivant papy Earl Stone faire son bonhomme de chemin, laissant pantois les cartels autant que la DEA. Avec la malice qui le caractérise, Eastwood emballe certaines séquences avec une drôlerie communicative. Pour autant, le cinéaste signe également la touchante échappée d'un homme qui n'entend pas s'arrêter d'avancer, quand bien même il se sait au bout du chemin. Donc oui, le cinéaste jette un coup d'œil dans le rétro mais ça ne signifie pas qu'il compte pour autant arrêter de regarder devant lui. Avec La Mule, Eastwood ne signe donc pas le requiem pontifiant qu'on attendait, mais le portrait d'un homme qui a toujours sa place même dans un monde qui le dépasse.

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le 25 juil. 2019

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