Construit comme un puzzle, La Nina de* *fuego alterne de nombreux plans fixes et souvent serrés qui susciteront l'interrogation du spectateur, à condition que celui-ci accepte de se laisser prendre au jeu. Rapidement, la dimension ludique est mise en évidence par les titres des deux volets qui jouent sur les mots "monde" et "démon". Barbara joue avec les hommes tout comme la fille de Louis joue à s'échapper dans l'univers des mangas. Le réalisateur invite ainsi le spectateur à assembler les morceaux du puzzle qu'il lui propose tout en manipulant la dimension elliptique de scènes dont on ne saura jamais vraiment tout. Que se passe-t-il derrière la porte du lézard ? Que s'est-il réellement passé entre Damian et Barbara pour qu'il ait tellement peur d'elle ? Autant de questions qui resteront en suspens à la fin du film. La Nina de fuego est un film sur la folie, celle de Barbara traitée par son mari psychiatre, celle des hommes passionnés par cette femme diabolique, celle d'un père prêt à tout pour satisfaire les rêves de sa fille atteinte d'une leucémie. Le film ne comblera pas les spectateurs en attente de grands sentiments car chaque scène est traitée de manière glaciale à l'instar des décors et de la lumière choisie pour filmer les scènes d'intérieur. On laisse également peu de place aux émotions. Mais La Nina de fuego est un portrait élogieux de la femme. Sous une apparence chétive ou brisée par de nombreuses cicatrices, la femme témoigne en réalité d'un pouvoir extraordinaire sur son entourage. Louis est aux pieds de sa fille, il lui passe tous ses caprices, jusqu'aux plus absurdes comme l'achat d'un faux sceptre susceptible de compléter sa panoplie de cosplay pour laquelle il s'est déjà ruiné intellectuellement, en vendant ses livres, et moralement en faisant chanter Barbara. Les hommes sont également aux pieds de Barbara : pour elle, ils choisissent de mener un existence pathétique, de faire de la prison ou de tuer. Elle n'hésite pas à manipuler et à humilier les hommes quitte à leur vomir dessus au sens propre. La leucémie et la folie sont donc deux maladies qui vont se transformer en forces destructrices et permettre à des femmes, blessées en apparence de recouvrir une telle puissance que les hommes ne sont plus capables de les regarder en face. On pourra qualifier ce film d'austère ou encore critiquer l'usage décalé de la musique, il n'en reste pas moins l'un des thriller les plus originaux du nouveau cinéma espagnol.

Cabou
7
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le 21 août 2015

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Cabou

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