Le dernier film d'horreur français à m'avoir fait de l'effet date d'il y a déjà plusieurs années. C'était À L'Intérieur en 2007. Mais dans La Nuée, il n'y a pas vraiment de gore aussi poussé que dans le film du duo Maury/Bustillo. Le malaise, à la vision de ce long métrage de Just Phillippot, est tout de même présent, prenant de l'ampleur progressivement au fur et à mesure que la nécessité tourne à l'obsession, celle-ci combinée à l'ambition, avant de muter dans la folie et la démesure dangereuse.
De quelle nécessité doit on parler dans cette histoire angoissante ? Celle de pouvoir nourrir le monde dans un futur proche avec un apport alimentaire protéinique grâce à l'élevage d'insectes qui impacte moins l'environnement que tout autre élevage producteur de viande animale, bovine, ovine, porcine, consommées abondamment. C'est le souci et la mission que s'est lancé Virginie Hebrard (Suliane Brahim), veuve et mère d'une fille (très bien jouée par Marie Narbonne) en pleine crise d'adolescence et d'un petit garçon attendrissant (Raphaël Romand). Cette mère déterminée a du mal à joindre les deux bouts dans sa production de criquets (je ne suis pas entomologiste, mais il faudrait plus parler de criquets ici que de sauterelles, à en remarquer de près les p'tites bébêtes phytophages), se rendant compte que les insectes se reproduisent de moins en moins dans son dôme hermétique. Jusqu'à l'accident causé par la colère et le désespoir, les premiers criquets goûtant au sang humain ce qui relance les pontes remotivant alors la mère qui, peu à peu, ayant de la suite dans les idées, se dévouera à son travail à en délaisser sa petite famille où une dissension se fera ressentir venant de sa fille irascible mais raisonnée. Le raisonnement viendra aussi du voisinage en la personne de Karim (Sofian Khammes), un viticulteur en galère également mais devenant de plus en plus inquiet envers la femme à laquelle il tient.
L'élevage prendra de l'essor autant que l'économie, au mépris d'une éthique en allant plus dans l'aberration et des actes immoraux. On en vient même à détester cette femme immergée dans son ambition démesurée et maladive lors d'une scène cruelle.
Le danger ne vient donc pas uniquement des insectes qui pullulent dans les serres, ceux-ci imposant une atmosphère stridulante plus oppressante et assourdissante, que ça en devient vraiment malsain. D'ailleurs, ce climat est amplifié par des gros plans sur la nuée de criquets de plus en plus hématophages et qui prolifèrent à une vitesse inquiétante. Le danger est représenté par la folie d'une mère qui trime volontairement jusqu'au sang, au point d'occulter l'amour pour ses enfants ainsi que les relations amicales avec le voisinage, transmettant un réel dérangement psychologique et fait réfléchir sur les limites à ne pas dépasser sans sagesse, que cela vienne d'un laboratoire d'une puissante corporation ou d'une ferme dans un cadre de respect de l'environnement pour l'avenir.
La Nuée, en somme, est un très bon film d'horreur mélangé à un film de drame familial. Il fait partie des réussites françaises du cinéma de genre, d'horreur et d'angoisse donc ici, ce qu'on ne voit pas tous les jours.