Film d'épouvante intelligent et hommage à Hitchcock

Un soir d'Halloween, Michael Myers, 6 ans, assassine sa soeur à coups de couteau, dans ce qui est l'un des plus beaux plans-séquences qui soient, surtout pour un film fait avec 300000$. 15 ans plus tard, après avoir été enfermé à l'asile psychiatrique, Myers s'échappe. De retour à Haddonfield, il se met en quête de Laurie Strode ( Jamie Lee Curtis, fille de Janet Leigh, tout un symbole ).

Tourné en 3 semaines avec un budget minuscule, une actrice amatrice et de surcroît "fille de", un Donald Pleasence vieillissant, et au vu de l'attrait pour l'horreur au cinéma à la fin des années 1980 qui voient plutôt l'émergence de Star Wars ( le IV sort en 1977 ), le film avait tout pour se casser la gueule. Quelques années,15 millions au box-office, le prix de la critique au Festival d’Avoriaz et une place à la bibliothèque du Congrès américain plus tard, le film est aujourd'hui celui qui fut une rampe de lancement des films slashers au cinéma ( le slasher étant un sous-genre du film d'horreur, où un tueur psychopathe armé d'un couteau mène la vie dure à des jeunes ), et influençant des films tels que Scream ( qui cite Hallowen plusieurs fois ) ou Freddy.

Très influencé par Psychose de Hitchcock, confiant après le succès de Assaut, John Carpenter gagne son ( deuxième ) pari. Le spectateur traverse le film comme un spectre privilégié, invisible à l'implacable et terrifiant Michael Myers, véritable projection du Mal ( notre propre projection fantasmée ? ). Renforcée par une musique du cru de Carpenter himself ( quelques notes de piano retouchées vous donnent une musique rythmant les battements de coeur avec un son exceptionnel ), fantastiquement inquiétante, l'angoisse est présente partout, tout le temps, incarnée dans un tueur génialement flippant et imprévisible. Quoi de plus terrifiant qu'un type furtif qui vous regarde par la fenêtre avec un masque blanc neutre? Cette angoisse a le mérite aussi d'être intelligemment crée. Ce garçon de 6 ans qui tue sa soeur après qu'elle se soit livrée à un acte sexuel, puis qui tue 15 ans après deux filles nues sublime son désir par l'assassinat, tel un châtiment. De plus, Laurie Strode ( spoiler ) est la demi-soeur de Michael Myers, comme on l'apprend dans le deuxième opus. En s'acharnant à vouloir tuer la seule famille qui lui reste, que veut-il prouver ? Qu'il est le seul et unique "sang pur", invincible ? Mais alors, pourquoi ce masque ( on le voit une fois sans masque dans toute la saga, au milieu du film ) ? Autant de questions qui nous tiennent en haleine tout le film, grâce à la vista de Carpenter : travelling avant, arrière, zooms... Il est l'oeil du spectateur, le voyeur, le maître marionnettiste dirigeant Myers. Le symbole le plus fort étant évidemment ce long plan-séquence de 5 minutes au début du film, qui d'emblée coupe le souffle. On est Myers... Et on ne l'est plus. Alors au fond, qui tire les ficelles ? Carpenter ou nous ?
Carpenter " voulait faire depuis longtemps un film effrayant " et c'est Psychose qui lui "a donné envie de faire Halloween" . C'est au film d'Hitchcock qu'il a ajouté "une dimension surnaturelle en faisant du tueur masqué une incarnation du Mal ". Bien vu l'artiste.


Côté suites, il y en a eu 7 puis deux remakes. Hormis le 2 qui se place dans la continuité du premier en faisant un copier-coller sans prétention ( si Carpenter ne réalise plus, il fait le scénario et retourna quelques scènes, en plus de s'occuper de la musique), le 3 se place hors-catégorie dans la mesure où Myers est écarté du projet ( Carpenter produit et fait encore la musique ). Ensuite, pour raisons pratiques ( le 3 est un échec, les fans réclament Myers, Jamie Lee Curtis partie pour ne pas passer pour une actrice de films d'horreur étiquetée), les producteurs doivent revoir leur copie, et Myers revient dans 3 autres épisodes bien moins dignes d'intérêt, bien moins glorieux, puis dans Halloween 20 ans après de meilleure facture, sur une idée de Jamie Lee Curtis et fait son grand retour ( on note la présence de sa mère Janet Leigh pour son avant-dernier rôle avant sa mort ). Halloween Resurrection met une fin brutale et indigne de l'héritage Halloween par un film pitoyable avec des acteurs de dixième classe ( Busta Rhymes, non mais sérieusement ) qui fait passer Myers pour une bête de foire. Seules les 10 premières minutes sont intéressantes, et pour cause... Rob Zombie reprend la main en 2007, fait un remake du premier opus puis fait une suite. Ces deux films sont bien plus violents que ne le prônait l'oeuvre originale, et ajoute la jeunesse dépravée de Myers. La subtilité, c'est pour les tapettes.

Entretemps, M. Akkad, producteur-clé, est mort dans un attentat en Jordanie, Carpenter a lâché l'affaire depuis H3, Donald Pleasance, malgré toute sa bonne volonté, son talent et son attachement, a malheureusement passé lui aussi l'arme à gauche après H6 ( de complications cardiaques, étonnant au vu de ce qu'il subit à la fin de H2 ! ), et Jamie Lee Curtis n'a pas aidé la série en refusant de tourner pendant vingt ans ( pour des raisons certes justifiées ), avant de revenir. Autant d'éléments qui manquèrent à une bonne pérennisation dans la durée. Mais ca n'enlève pas le charme du film de Carpenter
Léo_Corcos
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le 26 sept. 2013

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Léo Corcos

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