La nuit du chasseur est un film qui m’a hypnotisé. Oui hypnotisé est le bon mot, j’ai été envouté par cette œuvre qui passe rapidement du drame au rêve et de la peur au rire. Charles Laughton filme ses scènes avec un grand naturel, son œuvre est intimiste mais son propos universel.


La nuit du chasseur c’est une histoire très manichéenne, n’est ce pas là un défaut ? Non pour ma part ce n’en est rien, le film développe la dualité entre l’amour et la haine, le bien et le mal, la nuit et le jour.


Il y a cette très belle scène où Robert Mitchum et Lilian Gish chantent à l’unisson, le texte et le rythme sont identiques à l’exception de « Leaning » devenant « Leaning on Jesus ». Le bien et le mal peuvent parfois s’apparenter, il devient alors dur de différencier le vrai du faux, le film symbolise à quel point il est ardu de voir ce qui est bon et ce qui ne l’est pas.


Le personnage d’Harry Powell est très intéressant, c’est un croque mitaine prêt à tout pour l’argent. Il arbore sur son poing droit « love » et sur son poing gauche « hate », il se dit répandre la justice mais son caractère tend fortement vers le côté gauche ce qui l’empêche d’être équitable, on ne le voit jamais montrer de preuve d’amour sincère. Car oui il y a des scènes où Robert Mitchum joue un homme romantique, généreux et admirable, on se rendra très rapidement compte que ce n’est qu’un artifice et que ce pasteur est strictement sombre, son hypocrisie marquante ne faisant qu’accentuer le dégout du spectateur à son égard.


Il y a des passages où le temps semble s’arrêter, des plans et des séquences où les images sont d’une beauté telle qu’on ne peut qu’être ébloui, le film possède une des plus belles photographies noir et blanc que j’aie pu observer.


La scène de la descente de la rivière est un chef d’œuvre, l’onirisme dégagé souffle le spectateur et le transporte à travers ce rêve, le plan où l’on découvre le corps de Willa Harper assassiné est impressionnant de beauté et d’ingéniosité.
Au début du film Harry Powell arrive devant la maison des Harper, John est dans sa chambre avec Pearl on a alors une ambiance assez lumineuse et calme, puis d’un coup l’ombre d’Harry est projetée dans la pièce et tout s’assombrit. La pureté des enfants face à l’avarice d’un homme.


Il y a un énorme nombre de bonnes idées graphiques dans ce film, il serait impossible pour moi de toutes les citer. Le fait que Charles Laughton se soit beaucoup inspiré du cinéma de David Wark Griffith dont il admirait le travail, explique la beauté et le caractère délicat des images qu’il puise directement dans le cinéma muet. Charles Laughton a choisi Lilian Gish pour incarner le rôle de Rachel Cooper ce choix peut être vu comme un hommage à David Wark Griffith en effet Lilian Gish fut une de ses plus fidèles actrices.
C’est un film à voir avec des yeux d’enfant, car celui-ci développe les peurs liées à notre jeunesse, Laughton traite des thèmes comme la peur de la mort, la peur de perdre ceux qu’on aime, la peur du noir et la peur de l’étranger.


Pour ce qui est des acteurs, ils offrent tous de très bonnes performances, mention spéciale à Robert Mitchum et Lilian Gish qui ont un très bon jeu sachant s’adapter au ton de la scène. Shelley Winter et le jeune Billy Chapin se débrouillent également très bien et les seconds rôles sont de qualité (James Gleason dans le rôle de l’oncle Birdie, Evelyn Varden pour Icey Spoon).


Il faut savoir que le film fut tourné en 35 jours avec un budget d’environ 800 000 dollars, c’est un véritable exploit technique. Charles Laughton a su s’entourer d’une équipe de gens talentueux en qui il avait confiance et cela lui a permis d’obtenir le magnifique résultat que nous pouvons aujourd’hui visionner.


Comme Harry Powell le raconte dans son histoire la haine semble d’abord dominer mais l’amour finit par gagner, c’est pour cela que d’abord ce personnage est représenté comme menaçant, c’est un meurtrier prêt à tout pour gagner de l’argent, il est effrayant et sa présence suffit à créer une grande pression. Mais après que les enfants furent recueillis par Madame Cooper véritable allégorie de l’amour, Harry Powell ne fait plus peur à personne. On le remarque notamment avec le caractère comique des scènes qui le montrent à la fin du film, comme le passage où il est menacé par le fusil de Madame Cooper et les « sauts de chats qu’il effectue au cours de sa fuite. Le côté surnaturel de ces scènes montre que face au vrai amour, la haine perd toute crédibilité et ne peut plus être prise au sérieux tant elle manque de force. Il y a une très belle phrase lors d’une des chansons du film « Fear is only a dream » la peur n’a rien de sérieux, c’est une illusion là où l’amour est montré comme quelque chose de concret qui permet d’unir les gens.


Comme je l’ai dit au début de cette critique, La nuit du Chasseur m’a hypnotisé, la beauté de ses images et la pureté de son propos m’ont frappé et m’ont bercé pendant toute la durée de mon visionnage. C’est un film qui se base sur une notion de contraste et j’ai toujours pensé que le contraste permettait de créer l’empathie et les sentiments, ce film ne fait que confirmer mon hypothèse, cette dualité entre le bien et le mal dévoile un théâtre d’émotion, car en effet La nuit du Chasseur est une œuvre qui m’a fait pleurer et ça que ce soit de tristesse ou de fascination. Charles Laughton dans son unique film délivre un message humaniste et intemporel, en magicien des images il nous ensorcelle et nous transporte dans son univers à la fois sinistre et merveilleux.


https://tinyurl.com/ybo2fupc


https://www.youtube.com/watch?v=XVwcDzr_Q64
Once upon a time there was a pretty fly
He had a pretty wife, this pretty fly
But one day she flew away, flew away
She had two pretty children
But one night these two pretty children flew away... flew away
Into the sky
Into the moon

nicolas68
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le 1 mars 2018

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