Charles Laughton, grand acteur anglais, s’essaya à la réalisation en 1955. Le succès ne fut pas au rendez-vous, si bien qu'il ne reconduisit pas l’expérience, laissant derrière lui cette œuvre unique qu’est La Nuit du Chasseur...


L'histoire, inspirée d'un fait divers, prend la forme d'un conte à la fois poétique et tragique. La mise en scène aide à cela à travers plusieurs plans reprenant des éléments picturaux associés inconsciemment à ce registre, comme par exemple le travelling latéral qui montre John et sa petite sœur Pearl s’enfuir main dans la main à travers la campagne. Par ailleurs, la bande-son comporte quelques chansons chantées soit par les acteurs, soit par un chœur d'enfants, accordant à l'ensemble une touche supplémentaire de beauté et de fragilité.


L'antagoniste, l'élément le plus marquant du film, s'inscrit dans quelque chose qui relève presque du fantastique. Le révérend Harry Powell est présenté comme une sorte d'ogre, quasi invincible, poursuivant inlassablement les deux enfants pour leur faire avouer la cachette de l'argent de leur père. Cette menace permanente est traduite par une omniprésence à l'écran : le personnage est souvent dans le cadre, que ce soit physiquement ou par le biais d'ombres portées. Et quand il se situe dans le hors-champ, il se met à chanter sa chanson fétiche, histoire de rappeler qu'il n'est jamais bien loin... Le pouvoir de fascination de Powell est également notable. À part John, il parvient à berner toutes les personnes qu'il rencontre. La mère des enfants sera la plus grande victime de son charme, puisqu'elle s'enfermera dans le déni, refusant de voir le mal dans son nouveau mari malgré des preuves évidentes. À vous fendre le cœur...


La Nuit du chasseur est un film marqué par les oppositions. Le rapport entre les enfants et les adultes et celui entre le jour et la nuit peuvent se regrouper sous un thème plus général, celui de l'affrontement du Bien et du Ma. Charles Laughton réinterprète parfaitement cette histoire vieille comme le monde dans un contexte moderne, en opposant des enfants parfaitement innocents à un homme profondément corrompu. En résulte un thriller teinté de merveilleux tout à fait remarquable. Le passage de l'acteur anglais derrière la caméra aura donc été bref mais intense...

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le 6 mars 2016

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