Désirant combler mes lacunes sur le cinéma des années 1920 et 1930, je décide de regarder La passion de Jeanne d’Arc ; mise en scène par le grand Dreyer qui s’intéressait beaucoup à la foi et à la religion. Deux raisons viennent supporter ce choix. Primo, Antonin Artaud est à l’affiche. Deusio, Jeanne d’Arc, je n’y connais rien et je me dis que ce sera l’occasion d’en apprendre un peu plus sur la Pucelle de France. Seulement, j’oubliais bêtement un détail : ce film est muet.


Pour le spectateur du XXIème siècle que je suis, très peu familiarisé – pour le moment, mais je vais me faire violence – à ce genre de cinéma, c’est un peu comme si le procès de Jeanne d’Arc était le mien, hérétique du cinéma muet que je suis. Le premier quart (voire tiers) du film souffre d’affreuses longueurs, la musique de la version Masters of Cinema m’est insupportable et le procès de Jeanne (qui est aussi le mien) tarde à se mettre en place. Néanmoins, ma condamnation tombe : je suis un peu buté, je finirai ce que j’ai commencé et ce malgré cette musique irritante.


Quand soudain, comme Jeanne, c’est l’illumination (et le blasphème) : puisque la musique est indépendante du film et qu’elle à deux doigts de me faire renoncer, je coupe le son, vais sur youtube et lance la série des Luv (Sic) de Nujabes et Shing02. Croyez-le ou non, l’abstract hip-hop ne m’a pas simplement facilité le visionnage, il me l’a fait aimer. Il m’a fait ressentir plus justement et avec intérêt la passion de Jeanne, magnifiquement interprétée par Maria Falconetti qui fait passer beaucoup par le regard.


Carl Theodor Dreyer, par son utilisation volontairement abusive du gros plan, nous fait perdre toute notion spatiale. Comme la Sainte prête à abjurer, nous sommes perdus, encerclés par ces mauvaises têtes antipathiques et inquisitrices à la calvitie volontaire aussi irritante que la musique précédemment tue. Ces gros plans sont efficaces à la fois pour nous rapprocher de Jeanne et pour nous éloigner de ces hommes d’Église peints par Dreyer à la manière de démons.


Une œuvre belle et poétique, un peu lente mais à voir en prenant soin de choisir soi-même la bande-son.

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le 8 mars 2017

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Menulis

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