La Pianiste , c'est une femme, une femme qui répond au nom de Erika Kohut.


Cette même femme, est professeure de Piano, elle est froide et ne montre aucune compassion. Aucun sentiment ne semble pouvoir émaner de sa personne. Dès lors qu'elle effectue quelque chose, cette même action ne peut - être que mauvaise pour la personne qui la subit. À l'exception des cours qu'elle donne, ou elle transmet ici son savoir à ses élèves, et encore, ce n'est pas sans dureté, indifférence et jalousie.


Rien que pour la cruauté que porte son personnage principal en lui, le film mérite que l'on porte de l'intérêt à son égard. Seulement, si ce n'était que pour ça, il manquerait largement de profondeur. Et c'est ici que Michael Haneke parvient à nous livrer un métrage réfléchi, très réfléchi.


Au premier abord, nous pouvons découvrir un film que l'on se contentera d'appeler "perché", qui nous montre des choses carrément folles et qui pourraient nous faire douter de la santé mentale de son auteur.


Et, c'est après réflexion que nous pouvons vraiment atteindre le niveau et la portée intellectuelle de ce film, comprenant ainsi que le métrage n'est pas que juxtaposition de séquences plus folles et cruelles les unes que les autres.


En effet, le personnage d'Erika Kohut n'est que conséquences, et, nous suivons durant 2h10 le parcours de ce personnage torturé.
Erika repousse, humilie, blesse (physiquement et moralement) et quand on l'observe, tel qu'elle observe avec un voyeurisme des plus pervers les gens, on se rend vite compte qu'il n'y a pas qu'aux autres qu'elle fait du mal, mais qu'elle se complaît aussi dans sa propre malsainité se faisant souffrir psychologiquement, moralement et physiquement. La perversion sexuelle semble être pour elle une drogue à laquelle elle se raccroche et se nourrit afin de ne point voir en face ses réels problèmes, ces mêmes problèmes étant : La Pression Sociale ( du à sa condition sociale ), La Pression Parentale et Le Sentiment Obsessionnel de n'avoir rien fait de sa vie (Sorte de crise de la quarantaine).
Car oui, même avec cet âge plus proche de la quarantaine que de la vingtaine, Erika Kohut est ce que l'on peut appeler une "vieille fille", elle vit encore avec sa mère et le plus terrifiant dans tout ça, c'est qu'elle dort avec elle, dans la même chambre, dans le même lit. La présence plus qu'étouffante de la mère d'Erika Kohut dans son quotidien a comme répercutions un sentiment de police morale plus qu'extrême que ce même personnage se sent obligé de contourner en pratiquant des obscénités toujours plus perverses, renvoyant alors à une déstabilisation émotionnelle et psychologique pour Erika, qui plus que désorientée doit se demander ce qu'est vraiment la morale, et si elle est juste, si, elle ne sert pas simplement de méthode d'enfermement, permettant ainsi à sa mère et à la société de la contraindre et de l'enfermer dans son malheur. Car, si le personnage d'Erika ne renvoie que l'image d'une femme froide, méprisante et cruelle ce n'est que parce qu'elle ne peut être épanouie, elle n'est que souffrance et ne peut exprimer ouvertement sa souffrance, à cause de sa condition et de son éducation, mais, à l'intérieur elle crie et sa souffrance doit se manifester, et elle le fait par le seul moyen qu'elle a trouvé, en faisant souffrir les autres et en montrant physiquement la souffrance qu'elle vit intérieurement, lorsqu'elle se fait souffrir elle - même [Spoiler] (en mutilant son vagin, par exemple ). [Fin du Spoiler]
Et c'est à l'instant ou un Homme, Walter Klemmer, s'intéresse à elle, ouvertement, lui faisant comprendre, puis, lui faisant savoir, que la vie d'Erika prendra une tournure différente.
Au début, elle se contentera de faire comme habituellement, de le repousser, de le mépriser et de l'humilier (avant tout) . C'est lorsqu'elle remarquera sa persistance, qu'elle commencera à l'accepter, seulement, la seule chose qu'elle connait, autre que son quotidien troublant, et qui ne risque certes pas être "intéressant" pour une vie de couple, c'est la perversité.
Et c'est ainsi qu'elle l'initiera à celle - ci, et plus particulièrement au sado - masochisme ( Attention, Erika ce n'est pas mr Grey, les deux n'ont rien avoir! ). Cette rencontre, permettra à Erika de se rendre compte de ses propres problèmes, elle sera bénéfique pour elle, car elle lui permettra donc, une fois conscience prise d'y remédier. En revanche, cette même rencontre ne sera pas bénéfique pour Walter Klemmer, puisqu'elle aura l'effet inverse et sonnera comme une véritable descente aux enfers pour lui, l'enfermant progressivement dans la perversion et faisant de lui le personnage qu'était (devenue ?) Erika à la base. Le problème avec le personnage de Walter Klemmer, c'est qu'il est assez ambigu, on pourrait se demander si il était vraiment innocent à la base comme il le prétend, ou plutôt si il ne sentait pas de base la perversion de Erika, souhaitant qu'elle le contamine, la deuxième possibilité me semble plus logique, vu l'acharnement qu'il porte à séduire Erika, mais après, c'est au spectateur de choisir, comme il le désire, cela pourrait aussi très bien être une fatalité qui s'acharnerait sur le destin de Walter, le poussant à devenir Erika équilibrant ainsi la balance.


[Spoiler] Le final du métrage se fait entièrement dans le symbolisme, il peut paraître encore plus perché que tout le reste du film, mais reste cependant tout autant analysable, il peut être perçu comme la représentation d'une renaissance pour le personnage d'Erika, qui semble débarrassée des démons exposés tout au long du film. [Fin du Spoiler]


Et le choix du piano, qui évoque à la fois la classe et la retenue que porte en elle ce personnage magnifiquement interprété par Isabelle Huppert d'ailleurs, est très bon.


Ce qui est dingue avec ce film, c'est que même la bande annonce est analysable, dans sa structure, elle nous expose symboliquement exactement ce que le film traduit : https://www.youtube.com/watch?v=oLh59ahphnE

CinemaDreamer

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