La Piscine, le jeu de l’amour et du bazar ?

C’est l’été. Marianne et Jean-Paul, amants depuis deux ans, se prélassent et s’enlacent au bord de la piscine. Ces deux corps de star, ces canons des années soixante posent pour l’autre et pour la caméra. Ils sont plus beaux que jamais, et amoureux. Leur langueur est appréciée, leur oisiveté belle. Mais ce bonheur est stoppé net par l’arrivée d’Harry, ami de Jean-Paul et ancien amant de Marianne, et de sa fille, Pénélope. Le soupçon, la jalousie, commencent à faire surface et c’est un véritable jeu d’échec qui se met en place ; reste à savoir qui emportera la bataille. Sauf que celle-ci ne se joue pas avec des mots : dès lors que Marianne propose à Harry de rester, en envoyant un regard de défi teinté d’espièglerie à Jean-Paul, la guerre semble déclarée. Une ribambelle de sentiments se confrontent dès lors chez chacune des quatre figures. Il y a d’abord Marianne, qui veut créer une rivalité entre les deux hommes pour prouver sa valeur à son amant. Il y a Jean-Paul qui, exaspéré par le comportement de celle-ci et haineux envers Harry qui a toujours ce qu’il veut, se précipite vers la charmante Pénélope. Il y a Harry, l’égoïste qui se cache derrière son sourire et sa jovialité. Et il y a Pénélope, enfin, Pénélope qui semble s’ennuyer ferme, et qui devient vite l’objet quelque peu absent du désir et fera tout basculer.
Mais dans cette guerre non-déclarée, cette guerre qui se fait tout en subtilité, toujours à demi, tout se joue non pas dans les dialogues mais dans les silences et les regards, les non-dits et les mensonges. Ces personnages restent des inconnus pour les autres, par fierté parce qu’ils refusent la faiblesse des sentiments, par dignité parce qu’ils ne montreront pas qu’ils ont mal. Jean-Paul aime-t-il vraiment Marianne ? Qui Marianne aime-t-elle ? Où est la jalousie, où est l’amour ? Ce qui semblait évident dans la solitude des deux amants devient incompréhensible. Ce ne sont plus les mots qui parlent mais les corps. Des corps non seulement présentés par la caméra, mais des corps qui se présentent eux-mêmes, fiers de leurs courbes, de l’attirance qu’ils produisent. Mais ils restent de marbre, fiers, détachés. C’est là qu’apparait tout le génie de Jacques Deray qui statufie complètement ses personnages, en fait des statuts magnifiques et magnifiées, mais dont l’intériorité restera toujours un mystère.
Qui sont alors ces quatre beautés ondines dont les yeux clairs reflètent l’eau chlorée ? Ce sont des corps, des corps que Deray fait tourner autour de cette piscine, dans un décor presque antique qui rappelle l’art romain et ses corps sculptés, athlétiques et beaux. Par sa caméra, il capture ces corps pour en faire des figures éternelles, des beautés universelles, des statues inspirées. Et c’est au bord de cette piscine que se déroule finalement l’histoire universelle, presque mythologique, de la jalousie, de la haine, de la mort punitive et de l’amour irrationnel.

LéonieBonnier
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le 26 févr. 2016

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Léonie Bonnier

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