Critique disponible sur Rétro-HD


Comme toutes les sagas imposantes du cinéma, La Planète des Singes est soumise à la création d'une communauté de fans qui attend avec impatience l'opus suivant. Et comme tous les vieux titres devenus cultes, cette même saga fut soumise à son reboot. A ce titre d'ailleurs, on soulignera un été particulièrement mouvementé, avec la sortie de Wonder Woman, première super-héroïne du nouveau DC Cinematic Universe, Pirate des Caraïbes 5, La Momie ou encore le nouveau Transformers. De toutes, la saga de César reste certainement la plus intelligente et la plus intéressante (joker pour WW) tant les autres ont fini par succomber à leur côté grand public et grand spectacle. Même si cet univers est né en film il y a bien longtemps avec le regretté Charlton Heston et est passé entre les mains mitigées de Tim Burton, en complétant la liste des remakes, elle a su s'imposer assez lourdement depuis La Planète des Singes : Les Origines. Elle entame aujourd'hui son troisième et certainement dernier volet d'une trilogie centrée sur César, jeune chimpanzé survivant d'un groupe de cobayes dont les facultés cognitives furent décuplées.


Avec l'opus de Rupert Wyatt, la saga avait un fort potentiel générationnel. Notre société étant de plus en plus préoccupée par l'écologie et la cause animale, la raison d'un tel reboot coulait de source. D'autant que l'histoire en elle-même était fort intéressante avec le personnage de Will qui faisait un lien entre l'inhumanité des humains face à l'humanité simienne. Une dualité assez récurrente lorsque les animaux sont le centre de l'histoire, mais diablement émouvante et efficace. Sauf que depuis cet épisode, plus de trace de Will ou d'un quelconque humain faisant le lien. Si César choisit vite son camp, les producteurs ou le réalisateur des deux opus suivants l'ont bien fait également. On voit donc bien l'évolution scénaristique d'un épisode à l'autre puisque cela démarre de manière assez isolée avec seulement une poignée de singes face à quelques humains pour s'étendre petit à petit à une véritable guerre opposant littéralement une race face à une autre. Chaque épisode faisant comprendre que César prend de l'importance dans la lutte simienne contre les humains et développant sa psychologie continuellement plus loin.


De nombreuses choses sont donc à noter avec La Planète des Singes : Suprématie. La première étant que l'histoire prend un chemin définitif. Cette fois-ci l'épique et le spectacle sont clairement les points centraux de l'histoire, dénaturant partiellement ce qui semblait se construire au début du reboot. Tout est absolument classique, les personnages, les enjeux, les réactions, rien ne surprend, il y a exactement les mêmes rebondissements que dans la majeure partie des films d'actions fantastiques de cette trempe. Cela fonctionne malgré tout car il y a une véritable volonté de divertir et tenir en haleine. Mais ça n'émeut pas, ça ne bouleverse pas, on attend patiemment d'être surpris et que ça décolle. De plus, cet opus est une véritable démonstration de force d'incohérence ou d'improbabilité notoires. Des facilités scénaristiques si énormes et incroyables qu'on se demande bien quel est le stagiaire qui s'est occupé du scénario. En particulier certaines scènes avec la petite fille qui semble avoir littéralement la capacité de se rendre invisible. Inutile non plus d'évoquer tout bonnement le Deus Ex Machina de la fin absolument improbable, presque autant que ne l'est Gandalf lors de la bataille du Gouffre de Helm. D'ailleurs, il y a tellement de scènes ou de passages si communs, qu'on finit par se demander si c'est un manque d'originalité, si simplement c'est parce que tout a été fait au cinéma ou si finalement c'est une suite de références à des sagas magistrales comme le Seigneur des Anneaux ou autre. Ce que l'on retient en premier lieu de cet opus, c'est que c'est un film identique à tant d'autres, bien qu'on y ait ajouté des singes.


Ce qui est légèrement problématique par ailleurs, c'est la manière dont sont traités certains événements. La capacité scénaristique de cette saga est folle mais nettement sous-exploitée pour la réduire à une simple opposition entre deux races, en faisant semblant de l'alimenter par un développement psychologique et une introspection de certains personnages. Le premier problème est qu'en dehors de César, tout ce qui arrive aux autres est parfaitement inintéressant, seul Maurice possède notre attention et notre intérêt mais reste jusqu'au bout un personnage secondaire en retrait. Tous les humains, même quand ils sont joués par l'illustre Woody Harrelson, n'obtienne qu'un intérêt de façade le temps d'un discours ou d'un dialogue ou parce que le charisme de l'acteur parvient à prendre le dessus sur le personnage. L'excuse est certainement que le héros emblématique et central de l'histoire est César, et c'est un argument imparable. Cependant lorsqu'il y a des rebondissements, des trahisons, des développements psychologiques ou n'importe quoi d'autre visant à approfondir le caractère d'un protagoniste autre que César, ça ne fonctionne pas car le spectateur n'a aucune accroche pour s'y attacher. La plupart sont des personnages insipides ou communs dont la personnalité est identique à celle de nombreux autres personnages de licences différentes. Pour preuve le petit rigolo de la troupe, « Bad Ape », est le résultat d'une volonté de rendre l'histoire plus accessible à un public adolescent et, bien qu'il fasse exactement le travail qu'on lui demande, n'est qu'un copier-coller version singe de tous les personnages comiques un peu neuneu à la Jar Jar Binks (en un peu moins horripilant, ça fait quand même 18 ans qu'ils ont tous compris la leçon). En se penchant un peu plus sur César, on peut constater que même lui n'est pas aussi approfondi qu'on pourrait le penser. Sa famille commençant à se construire, lorsque certains drames surviennent, tout cela manque cruellement d'émotion et d'enjeux. Le spectateur sent que des choses vont bouger et que César ne va pas accepter qu'on touche aux siens sans en payer de lourdes conséquences, mais il manque cette explosion de sensations, de colère ou d'émotion si importante pour un tel film. Trop d'éléments restent inexplorés et tomberont dans l'oubli du mystère.


Dans cette lignée, le dernier acte est totalement exacerbé de cette tendance. De nombreux enjeux surviennent montrant qu'il y a un univers bien plus étendu qu'on ne le pense avec son lot de surprises en perspective. Malheureusement, l'histoire s'arrête quasi immédiatement sans nous détailler quoi que ce soit et laissant le spectateur dans le flou et avec le goût amer qu'on lui a retiré la sucette au moment même où il avait enfin réussi à l'enlever de son papier. En somme, la saga, dont le cadre principal était assez simple, à savoir le monde tel qu'on le connaît aujourd'hui, parvient, d'une manière assez rusée, a relancer un intérêt pour l'univers dans lequel tous les personnages ont évolué et que l'on pensait, à tort, bien défini. Et tout cela en seulement 5 minutes.


L'opus de Rupert Wyatt offrait beaucoup de pistes différentes possibles pour la suite des aventures de César. Certaines intéressantes et d'autres moins, parmi elles, c’est probablement la plus évidente et la plus simple qui fut celle qui a été retenue. Celle qui manque de rebondissements, d'inattendu et de tension.

Notry
4
Écrit par

Créée

le 8 déc. 2018

Critique lue 114 fois

1 j'aime

Notry

Écrit par

Critique lue 114 fois

1

D'autres avis sur La Planète des singes - Suprématie

La Planète des singes - Suprématie
Nez-Casse
9

We are the beginning ! And the end !

Wow. Et bien, je ne m'attendais pas à ça du tout à vrai dire. Tous les retours que j'avais eu du film étaient très bons, et à en voir les notes de mes éclaireurs, le film ne pouvait qu'être super. Je...

le 21 juin 2023

65 j'aime

10

La Planète des singes - Suprématie
Rcan
9

La Planète des singes : L'apothéose

Ultime volet de cette superbe trilogie, "Suprématie" met à mal bons nombres de blockbusters. Les 2 précédents films étaient déjà de très belles réussites malgré des défauts évidents, mais ce dernier...

Par

le 16 juil. 2017

51 j'aime

5

Du même critique

Soda
Notry
2

Critique de Soda par Notry

Bon voilà, j'ai fini par regarder quelques épisodes de Soda pour me faire une idée et arrêter de dire que c'était de la merde sans le savoir. Maintenant je peux dire que c'est de la merde en le...

le 17 juin 2012

20 j'aime

4

Les Beaux Gosses
Notry
1

Non non non non non et non !

Non, ce n'est PAS possible. Je ne suis pas du genre à cracher sur un film mais là c'est insupportable, c'est une conspiration du mauvais goût, c'est un coup monté. C'est la théorie du complot je sais...

le 6 juin 2012

19 j'aime

8

Scènes de ménages
Notry
5

Critique de Scènes de ménages par Notry

Au début c'était amusant, les situations comiques étaient assez bien faites, quand on ne riait pas on pouvait au moins sourire. Et puis en général y avait jamais grand chose d'autre à regarder...

le 16 juin 2012

15 j'aime