Carroll Baker est parfaite en lolita faussement nunuche qui fait tourner la tête à ces messieurs, et le film, qui s'ouvre comme une farce cruelle très drôle, excelle à installer progressivement une tension érotique et dramatique suffocante.
Ce presque huis-clos très théâtral centré autour d'un trio qui se mène une guerre sans merci, entre séduction, manipulation et coups bas, jouit d'une formidable force d'ambiguïté. Ainsi, il est impossible de condamner ou d'aimer totalement les trois personnages : l'un réclame que justice lui soit faite (mais le crime dont il a été victime est né de ses propres actions vénales), l'autre veut sortir de l'humiliation ordinaire dans laquelle la ruine et le mariage l'ont plongé et reconquérir son statut d'homme (mais ses méthodes sont malhonnêtes), la dernière veut le confort, le respect et l'amour (mais elle les cherche en mentant, en méprisant et en usant des ses charmes). Cette dualité permanente, source de scènes de plus en plus intenses qui semblent toujours se situer à la lisière de la comédie et du drame, fait la force psychologique du film et le rend absolument passionnant à suivre.
Jusqu'au dénouement final et à la toute dernière phrase, empreints d'une bouleversante résignation face à l'absurdité de la nature humaine.
Pas l'oeuvre la plus connue de Kazan, mais désormais ma préférée !