Des paradis artificiels au paradis véritable

La Prière est une œuvre sur la foi, sur cette foi en Dieu ou en toute autre puissance supérieure capable de nous sortir du gouffre dans lequel nous sommes tombés et dont les pierres nous blessent à chaque élan vers la sortie, sur une foi religieuse et laïque à la fois en ce sens où elle ne cesse d’osciller entre l’amour de Dieu et l’amour d’une personne, pour finalement choisir le second.


Cédric Kahn semble privilégier dans son cinéma la catharsis régénératrice et réunificatrice : un corps meurtri et dissocié tend, par le conflit et la croyance en une unité supérieure, à retrouver forme et vigueur, qu’il s’agisse d’une famille – superbe Fête de famille –, d’une vocation professionnelle – le restaurant d’Une Vie meilleure – ou d’un être démoli par la consommation de drogues. Le long métrage prend ainsi le soin de convertir l’addiction initiale (à l’héroïne illicite) en addiction religieuse sous couvert d’une addiction à l’amour, soit à une « héroïne » tout aussi illicite aux yeux de la prêtrise ; il suit donc un mouvement de conquête d’une forme d’addiction pure, incarnée par l’union sexuelle sans romance ni parole qui suit directement la découverte d’un compagnon sans vie, dans la forêt, comme pour tenir ensemble, dans une même séquence, pulsion de mort et pulsion de vie qui, toutes les deux, régissent les actions de l’homme sur Terre.


S’il traite d’une révélation, La Prière révèle à son tour : dans le rôle de Thomas, Anthony Bajon est remarquable, récompensé à juste titre par l’Ours d’argent du meilleur acteur ; et Kahn n’a pas son pareil pour capter son corps d’abord lourd et silencieux, puis de plus en plus léger au point de fusionner avec l’horizon, pour capter ses hésitations, son désespoir et ce sentiment de perdition qu’il incarne tout au long du film, jusqu’à renaître tel un phénix brûlé non plus par les drogues, par la passion de l’autre. Des paradis artificiels au paradis véritable. Grandiose.

Créée

le 13 oct. 2020

Critique lue 165 fois

2 j'aime

Critique lue 165 fois

2

D'autres avis sur La Prière

La Prière
Fatpooper
5

Prie, je ne t'écoute pas

Bof, assez moyen. Ça aurait pu être chouette, mais l'auteur décide de ne pas développer ses personnages ni même ses situations. Le personnage débarque, il a du mal au début, on ressent les conflits,...

le 1 sept. 2018

16 j'aime

2

La Prière
seb2046
7

Tête haute vers la Lumière...

LA PRIÈRE (14,4) (Cedric Kahn, FRA, 2018, 107min) : Sensible et sincère portrait d'un jeune homme de 22 ans toxicomane, qui va retrouver foi en la vie auprès d'une communauté religieuse isolée dans...

le 20 mars 2018

15 j'aime

10

La Prière
Voracinéphile
7

Apaisement

La prière a l'excellent postulat de ne pas miser sur la délivrance d'un message mental (religieux), mais sur la ténacité et les choix rencontrés par les personnages, ainsi que par une émotion brute...

le 15 août 2018

5 j'aime

14

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14