La Prière est une œuvre sur la foi, sur cette foi en Dieu ou en toute autre puissance supérieure capable de nous sortir du gouffre dans lequel nous sommes tombés et dont les pierres nous blessent à chaque élan vers la sortie, sur une foi religieuse et laïque à la fois en ce sens où elle ne cesse d’osciller entre l’amour de Dieu et l’amour d’une personne, pour finalement choisir le second.
Cédric Kahn semble privilégier dans son cinéma la catharsis régénératrice et réunificatrice : un corps meurtri et dissocié tend, par le conflit et la croyance en une unité supérieure, à retrouver forme et vigueur, qu’il s’agisse d’une famille – superbe Fête de famille –, d’une vocation professionnelle – le restaurant d’Une Vie meilleure – ou d’un être démoli par la consommation de drogues. Le long métrage prend ainsi le soin de convertir l’addiction initiale (à l’héroïne illicite) en addiction religieuse sous couvert d’une addiction à l’amour, soit à une « héroïne » tout aussi illicite aux yeux de la prêtrise ; il suit donc un mouvement de conquête d’une forme d’addiction pure, incarnée par l’union sexuelle sans romance ni parole qui suit directement la découverte d’un compagnon sans vie, dans la forêt, comme pour tenir ensemble, dans une même séquence, pulsion de mort et pulsion de vie qui, toutes les deux, régissent les actions de l’homme sur Terre.
S’il traite d’une révélation, La Prière révèle à son tour : dans le rôle de Thomas, Anthony Bajon est remarquable, récompensé à juste titre par l’Ours d’argent du meilleur acteur ; et Kahn n’a pas son pareil pour capter son corps d’abord lourd et silencieux, puis de plus en plus léger au point de fusionner avec l’horizon, pour capter ses hésitations, son désespoir et ce sentiment de perdition qu’il incarne tout au long du film, jusqu’à renaître tel un phénix brûlé non plus par les drogues, par la passion de l’autre. Des paradis artificiels au paradis véritable. Grandiose.