That’ll be the day où on lui scalpera le jonc comme au chef sioux du limousin

John Wayne est un badass, John Wayne fait du John Wayne. Il revient trois ans après la fin de la guerre de sécession (coté sudiste parce qu’on est texan et qu’il faut pas déconner), il amène de l’argent dont l’origine est douteuse mais aussi le sourire à ses neveux et nièces que cette arrivée fait rêver : c’est presque l’oncle qui revient des colonies, c’est celui qui revient de la guerre et d’un exil volontaire loin de la ferme familiale, porteur de rêves, d’une médaille, un grand manteau gris et le sabre au coté.

On esquisse ainsi dès le départ un personnage ambivalent qui sent l’expérience, la menace, le cynisme, le patriotisme et une indécrottable volonté voire obstination à faire ce qu’il estime le mieux. Il faut pas jouer avec lui, il faut pas l’appeler monsieur, faut pas tourner autour du pot et vaut mieux pas le contredire ou lui mentir : il te descendra pas avec joie mais seulement avec précision. C'est précisément avec l'évolution de ce personnage mais surtout de son neveu, de leur confrontation, de leur relation que le film va chercher aussi à s'articuler.

Or il est à peine revenu que tranquillement la tension va monter de cran en cran : des vaches sont dispersées, le révérend/shérif jette un oeil mauvais/suspicieux sur Ethan (John Wayne le dur), un groupe de rangers part dans la nature et laissent les fermes pendant ce temps à l’abandon : proie facile pour les peaux rouges dont la voix cuivrée a déjà lancé son chant de mort et de vengeance.

C’est le début d’une odyssée de plusieurs printemps, plusieurs étés, plusieurs automnes, plusieurs hivers pour Ethan, son «neveu» et un jeune volontaire à la cervelle fragile sur les traces de la horde indienne pour espérer retrouver vivantes les prisonnières. Les paysages sont magnifiques, l’oeil de l’indien est torve après avoir été légendaire ou inconsistant puisqu’à l’image du mirage, sa présence arrivera toujours un peu après nos prévisions (je salue au passage la scène de l’attaque de la ferme où leur présence devinée augmente peu à peu le rythme cardiaque, devenant oppressant sans avoir été visible).

La musique est bien amenée (quoi que parfois un peu excessive, un peu trop envahissante), les personnages sont nombreux et se répondent par leur diversité, leur qualité d’interprétation (même si il faut se l’avouer il y a du sur-jeu dans le tas) : John Ford joue avec cette diversité pour créer des ambiances, des intrigues qui s’alternent régulièrement pour conserver une consistance et un rythme dans l’action qui nous est proposé, travail d’équilibre particulièrement bien maitrisé !

Le gros problème que va me poser La prisonnière du désert c’est le scénario qui oblige certains personnages à l’incohérence : soit un problème clair de cohérence psychologique (retournement d’avis de Ethan sur la fin, de Debby sur la fin aussi), soit incohérence scénaristique (comme au mariage).

Si ce n’est ça on assiste à la tentative de suivi d’une piste dont on ne peut voir le bout, parsemé d’humour, de trash et de drames, dont les indices et signaux seront disséminés au compte goutte dont on ne peut décidément que se remettre qu’avec une dose de brandy, près d’un feu dans un rocking chair ...

Mose avait de bout en bout raison ...
Cmd
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le 19 juil. 2012

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le 19 juil. 2012

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