Très dense mais aussi parfois maladroit dans sa narration, The searchers est un sacré morceau de western, habité par des acteurs bien dans leurs pompes et doté du coup d'oeil affûté d'un John Ford talentueux. Ce dernier porte dans ce film sa réputation à bout de bras et prouve bel et bien qu'il est l'homme de la situation s'il est besoin de filmer les grands espaces.


C'est effectivement dans sa beauté formelle que The searchers convainc en premier lieu le chaland. Qu'il filme les hommes, à grand renfort de gros plans bien sentis, afin d'iconiser les plus furieux d'entre eux (John Wayne y est charismatique en diable) ou qu'il pose son regard presque naturaliste sur les étendues sauvages que traversent ses cowboys, Ford impressionne. Les assauts sont virulents et même si la violence est généralement hors champ, on la comprend aisément, notamment dans la première partie du film, où les préparatifs au massacre qui va initier la quête de Wayne et son fils adoptif parlent d'eux mêmes. La force de la symbolique se substitue ainsi aux images pour poser le contexte. Qui ne voudrait pas sauver cette fillette, blottie contre une pierre tombale, que l'ombre de son bourreau prive de la lumière d'une lune naissante.


L’initiation de cette quête à laquelle on doit le joli titre original est un bel exemple d'efficacité. Toute la première partie du film est exemplaire, de l'arrivée de Wayne chez lui à la naissance dans son esprit d'un devoir de vengeance. Mais lorsque la quête débute, la fluidité du récit s'écorne en partie. On comprend bien les motivations des deux protagonistes, et la relation qui naît entre eux est attachante. Mais il est par contre difficile de saisir l'implication dans la durée du voyage qu'ils ont entrepris. Ce qui explique un petit manque d'émotion lorsqu'ils parviennent enfin au bout de leurs recherches. Cela a beau être la seule maladresse à relever dans The searchers, elle empêche au film l'impact qu'on pouvait espérer. Il manque à mon sens un soupçon de difficulté pour nous impliquer davantage.


C'est regrettable parce que ce détail narratif mis à part, The searchers force le respect, que ce soit dans sa réalisation mais également par la richesse des thématiques qu'il aborde (valeurs de la famille, portraits de femmes/mères courages, haine raciale ...). Sa plus grande prouesse étant certainement de parvenir à nous faire aimer un homme pourtant assez détestable. Car cet oncle dévoué est avant tout un homme rongé par une haine viscérale qu'il nourrit pour le peuple indien. Cette dernière n'ayant d'égal que sa détermination à éviter que sa nièce puisse être souillée par ses ennemis juré, y compris si sa délivrance doit être fatale. Il fallait avoir du cran pour oser aller aussi loin dans ce portrait sans concession que dresse Ford d'un pays en proie aux conflits d'intérêts et de territoires. La voie de le vengeance semble en effet y être sans fin, et le réalisateur l'a bien compris. Il ne prend ainsi pas parti et illustre simplement cette guerre meurtrière qui régit les deux camps. Que ce soit lors de l'attaque indienne ou de la réponse finale, personne n'est épargné, hommes, femmes et enfants, tous tombent, peu importe leur sang.


Sous ses airs de western classique, The searchers cache donc bien plus. Sa belle réputation n'est pas usurpée et mérite qu'on s'y arrête, qu'on soit, ou non, amateur de far ouest poussiéreux.

oso
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le 21 mars 2014

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