Il est toujours difficile de critiquer un film traitant de la déportation du peuple juif par les nazis. Peur de ne pas être à la hauteur du propos, peur de trahir l'esprit du film, sa mission. Peur de s'embrouiller face à l'horreur de cet épisode historique. Tâchons donc d'être aussi simple et sincère que possible, comme l'est La Rafle de Rose Bosch.

Tout d'abord, la reconstitution historique de la France occupée est sidérante de réalisme. Un travail de décorateur fabuleux qui nous plonge immédiatement dans la tension de l'été 1942. Summum de l'horreur, le Vélodrome d'hiver est un véritable purgatoire où des dizaines de milliers d'êtres parqués attendent, comme des bêtes ignorantes, leur passage à l'abattoir. La mise en scène n'omet aucun détail, aussi cru, aussi sordide, aussi sanglant soit-il. La représentation est pour une fois courageuse. Une première dans le cinéma français populaire, habitué au politiquement correct. Les coups de crosses de fusils font mal, les visages se tuméfient, des barbares refoulés cognent sans vergogne sur des femmes et des enfants sans défense. Rendant un vibrant hommage à ses prédécesseurs (Le Pianiste notamment, avec la reprise du partage des caramels), La Rafle offre un spectacle souvent révoltant, sans fard ni masque.

Ne cachant aucune ignominie, la caméra transfuge de Rose Bosch s'immisce dans les coulisses d'une administration française composée de vendus, d'assassins en puissance profitant de la présence nazie pour s'en donner à cœur joie dans la cruauté et le sadisme. Une barbarie à peine compensée par les actes admirables de quelques vrais humains, risquant leur vie pour sauver autant de victimes que possible, comme ce corps de pompiers ravitaillant en eau le vélodrome, ou ce chef plombier un peu simplet permettant l'évasion d'une jeune fille.

On pourra reprocher à la réalisatrice son didactisme un peu trop visible, son penchant un peu trop prononcé pour le larmoyant, mais franchement, que peut-on éprouver d'autre face à tant de haine acharnée, planifiée, face au massacre implacable qui se profile ? Les larmes versées pleurent d'ailleurs moins les victimes que le constat terrible d'une inaction flagrante. Le film laisse en effet entendre que la tragédie aurait pu être évitée. Soumission de l'autorité française, complaisance d'une part de la population trop fière d'être épargnée pour se soucier du sort des autres, face à la terreur du régime nazi. La vision paraît simpliste, mais elle frappe le spectateur en plein cœur. Le carton final, annonçant qu'aucun des enfants déportés n'est jamais revenu, saisit d'effroi.

La Rafle n'est pas un chef-d'œuvre et Rose Bosch n'a certes pas la virtuosité d'un Polanski, ni le lyrisme noir d'un Spielberg, mais sa vision n'en est pas moins légitime. La première et indiscutable qualité de La Rafle, c'est d'être le premier film français osant dépeindre sans détours l'un des épisodes les plus honteux et révoltants de notre histoire. Les quelques retrouvailles finales ne sont en aucun cas un happy end gratuit. Elles accordent seulement aux survivants un peu de réconfort au milieu de l'horreur, sans l'occulter. Ainsi, la cinéaste témoigne d'une compassion qui fait défaut aux bourreaux de son film. Pouvoir d'apaisement miraculeux du cinéma qui jamais ne verse dans un fantasme de rémunération. Comme une réponse miséricordieuse à l'esprit revanchard d'Inglourious Basterds. L'ombre et la lumière humaines incarnées, peut-être inconsciemment, par une même actrice. La Mélanie Laurent de Tarantino, qui carbonisait du nazi en riant comme une diablesse, incarne-t-elle le côté obscur de l'infirmière de La Rafle ?
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le 6 août 2010

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