Le cinéma de Chang Cheh a le goût de sang et de larmes, ses films tissent des histoires tragiques qui auront pour ses héros surpuissants une issue au mieux douce-amère. Et la Rage du Tigre n'y fait pas exception.


En 1967, Cheh, inspiré par le héros de The Mythical Crane Hero, roman de Jin Yong, réalise Un Seul Bras les tua Tous, Wu Xia Pian contant les combats vengeurs d'un sabreur manchot.
Il accouche deux ans plus tard de sa suite, le Bras de la Vengeance, et décide de faire un remake en 1971, où David Chiang remplace Jimmy Wang Yu dans le rôle titre, même si ce dernier figure dans un crossover avec Zatoichi, sorti la même année.


Comme la plupart des Wu Xia Pian de l'époque, la Rage du Chaton est un film parfumé de cet arôme amer qu'est la vengeance : Un jeune as du sabre, qui commence tout juste à se faire un nom, Lei Li, se voit vaincre par le numéro un des arts martiaux, un vieillard maniant un triple bâton, et interprété par Ku Feng (Le Sabre Infernal, la Guerre des Clans, le Justicier de Shanghaï...).
Son bras est tranché, cloué sur un arbre,et Li doit renoncer au monde des arts martiaux, réduit à travailler dans une gargote minable, passant ses journées de travail à se faire humilier par des connards, et son temps libre à rester prostré dans un coin, regrettant le temps amèrement le temps passé. Regret matérialisé dans une scène très ingénieuse où Cheh superpose une image de la cour de l'auberge que Lei Li semble regarder (le présent), à une image de ce qu'il regarde réellement : lui-même, vêtu de blanc, doté de ses deux bras et chevauchant fièrement sur son destrier : le passé, en somme, révolu à tout jamais. Le segment où Li est abattu par sa mélancolie du temps passé aurait cependant gagné à être légèrement plus court, mais je pinaille, car c'est le seul vrai défaut du film, et il est petit.


Jusqu'au jour où il devient ami avec un guerrier errant, lui aussi maniant deux sabres, et incarné par Ti Lung (Le Syndicat du Crime, le Sabre Infernal, Blade of Fury...). Mais cette amitié rendue si belle et crédible à l'écran finira clairement mal, puisque le vieillard et ses sbires montent depuis des années machinations sur machinations pour mutiler les jeunes guerriers risquant de le supplanter, Lei Li n'était pas le premier, mais son ami sera très probablement le dernier, car à la tristesse se mêle souvent un désir de vengeance ardent.


Le film consistera en un long moment de calme où Lei Li se ressaisira progressivement, entrecoupé de quelques combats, pour exploser enfin dans cette baston finale légendaire où, ivre de vengeance, seul face à une petite armée (où l'on sent que niveau budget, ils ont mis le paquet pour les costumes et les décors) et armé d'un sabre à l'histoire écrite à l'encre de sang, il déchaînera une tempête de violence pure sublimée par la réalisation et le montage dynamiques de Cheh, où l'on sent toute son expérience de réalisateur aguerri. Pour aboutir à son paroxysme : un duel final en 1 vs 1 précédé par le silence, troublé uniquement par le vent, nous laissant dans l'expectative de cet ultime fracas d'acier à l'issue incertaine.


Ce sommet de bataille acharnée au sabre, avec tout plein de variations dans les techniques, vous rappellera celui de Kill Bill ? C'est normal, Tarantino s'en est inspiré.

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le 20 janv. 2020

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