La Raison du plus faible par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Nous sommes dans la banlieue industrielle de Liège où les problèmes sociaux deviennent de plus en plus aigus en raison de la crise économique. Au sein des grandes cités peuplées en majorité de "cas sociaux", vit un jeune couple avec un enfant, le mari est au chômage malgré de brillantes études. A part sa femme, son fils et son jardinet,son seul univers est un petit café fréquenté notamment par trois autres hommes dont l'un est infirme, le second au chômage et le troisième travaillant mais repris de justice. La routine s'installe jusqu'au jour où la mobylette du jeune couple tombe irrémédiablement en panne. La petite tribu essaye de s'organiser pour récolter quelques sous afin d'en acheter une nouvelle, malheureusement sans succès. La seule solution est l'organisation du braquage d'une usine afin d'en dévaliser le coffre-fort.


Lucas Belvaux est vraiment un excellent cinéaste pour arriver à dépeindre avec autant de réalisme et de lucidité les problèmes sociaux qui secouent notre société. Cette oeuvre en est la preuve formelle tant nous ressentons les souffrances, les humiliations et la situation dramatique et précaire des différents personnages. Le film débute par une vue panoramique de cette agglomération industrielle, avec ses usines imposantes produisant encore des richesses et laissant pour compte ces ouvrières et ouvriers aux conditions de travail pénibles, brisés par la vie, sans idéal et désespérés. Ces gens atteints au plus profond d'eux-mêmes ne sont pas des voyous, loin s'en faut, ils sont braves et chaleureux. Ils essayent à leur manière d'envisager toutes les solutions honnêtes pour se sortir de cette mouise qui leur colle à la peau. Ils tentent la solution du Loto, rêvent durant trois jours d'une vie enfin normale... et puis rien, tout s'effondre à nouveau. C'est alors qu'au bout du désespoir, les solutions ne peuvent être que radicales, en rapport avec leur vie misérable et monotone. Pour eux, le but est de remettrre un peu d'espoir et de rêve dans leur existence mais généralement, pour ces gens là, la roue tourne le plus souvent à l'envers. C'est alors qu'ils en viennent aux armes avec le braquage d'une usine et à la prise d'otages afin de récupérer le contenu du coffre-fort. Ces personnages nous sont si attachants que l'on finit par avoir envie qu'ils réussissent dans leur entreprise. Le film se termine comme il a débuté, par un long plan panoramique de la ville de Liège, de son agglomération et de ses riches industries. Pour ceux qui restent, la vie continue comme avant le drame en en attendant d'autres...


L'intrigue nous décrit parfaitement cette ambiance morose où l'on survit plus que l'on ne vit. Le moindre détail ou la moindre réflexion ne peuvent que provoquer des réactions démesurées et graves de conséquences. Une foule de détails est parsemée tout au long de ce film nous prouvant que la société n'est pas faite pour ceux qui souffrent car leur vie devient aléatoire, d'où les problèmes urbains que nous vivons actuellement. L'interprétation est absolument remarquable par son naturel et la force émotionnelle que dégagent les acteurs. Le climat du film est froid et grisâtre, la mise en scène est sobre et efficace aidée en cela par un scénario bourré d'esprit et ne s'embarrassant pas de discours convenus. La musique très originale par ses percussions et son rythme le plus souvent saccadé met en valeur d'une façon assez impressionnante le thème de ce drame malheureusement de plus en plus commun.


Il faut aller voir ce film qui nous ouvre les yeux à tous sur des situations inhumaines et indignes de notre XXIème siècle car il faut avoir vécu dans les cités de la périphérie de ces grandes villes, et je parle en connaissance de cause, pour apprécier la justesse du propos de cette oeuvre magnifique et l'esprit de révolte de certains exclus de notre société. Ce film fut à juste titre sélectionné pour participer au Festival de Cannes 2006.


Autre critique de film réalisé par Lucas Belvaux à votre disposition :
- "Pas son genre" : http://www.senscritique.com/film/Pas_son_genre/critique/49881208

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le 29 juin 2013

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