La Reine des Neiges
6.1
La Reine des Neiges

Long-métrage d'animation de Chris Buck et Jennifer Lee (2013)

" I Belong here, alone, where I can be who I am."

Quand je mange, je garde ce que je préfère pour la fin. Et donc fatalement, je commence par ce que j'aime le moins. Ici, ce sera la même chose. Et je vais commencer par me débarrasser des pensées négatives, à savoir ce qui m'a dérangée dans ce Disney (qui reste malgré tout ça absolument formidable et que j'adore) :
Hans ! De la façon dont il est écrit dans la première partie du film, il n’y a strictement aucun moyen de se douter qu’il est "méchant". Premièrement : c’est incohérent. Surtout le mignon sourire qu’il fait quand il est sous la barque, alors que ni Anna ni personne d’autre ne le regarde : aucune logique ! C’est comme s’ils avaient écrit deux personnages différents; comme s’ils avaient écrit la 1ère partie du film sans considérer qu’en fait il était méchant. Deuxièmement: j’ai un peu de mal à trouver la "morale ". Parce que je suis d’accord on ne peut pas vraiment connaître quelqu’un en une journée et encore moins décréter en ce laps de temps que c’est le grand amour. Et tout ça passe très bien dans Enchanted (le fait que Edouard soit terriblement imbu de sa personne et prétentieux n’y est probablement pas pour rien). Mais faire Hans "méchant" et faux n’appuie pas vraiment ce point. Il aurait aussi bien pu jouer la comédie plus longtemps; même en attendant un an elle aurait pu se faire avoir. L’argument est invalide selon moi. Ça aurait eu beaucoup plus de sens si simplement elle réalisait qu’elle ne l’aimait pas, sans avoir besoin de le faire "méchant" et ayant joué la comédie tout du long. Ça, ce sont les arguments rationnels. Mais bien entendu mon opinion est biaisée par le fait que j’adorais Hans au début. Il semblait tout droit sorti d’un roman de Jane Austen et puis toute l’histoire de leur rencontre et tout était vraiment adorable parce que pleine de maladresses.
Ensuite, je me suis toujours demandé à quel moment sont sensées se situer les scènes d’après le dégel. Parce que si c’est juste à la suite, ça fait seulement une journée qu’Anna connait Kristoff, ce qui rend la situation assez ironique je dirais. Je préfère me dire que du temps est passé. Parce que pour moi Anna n’aime pas vraiment Kristoff. Lui il l’aime, c’est indéniable. Et je suis tout à fait d’accord avec l’idée du «Love is... putting someone else's needs before yours», même si ce n'est qu'un aspect. Il veut juste qu'elle soit heureuse même si ça doit être avec Hans ! Mais pourquoi en réalisant cela Anna à-t-elle une réaction pareille et veut-elle aller le chercher ? Ce n’est pas parce qu’il l’aime qu’elle l’aime ! Ce n’est pas une raison suffisante ! Surtout que deux minutes avant elle aimait Hans. Absolument absurde ! Enfin, on peut dire qu’elle pense que son amour à lui suffit à briser le sort même s’il n’est pas réciproque. Non, vraiment, je n’ai absolument rien contre Anna et Kristoff mais je pense que ça n’a du sens qu’avec du temps entre temps, parce que Anna ne l’aime pas ou pas encore selon moi.

J’ai vraiment du mal à savoir qui d’Anna ou d’Elsa est ma préférée. Si Frozen était Raison et Sentiments, Anna serait Marianne, Elsa serait Elinor et alors je choisirais Elsa sans hésitation. Mais ce n’est pas du tout ça.
Alors oui, quand on regarde les premières minutes de film, et que l’on voit Anna s’exclamer « The sky is Awake, so I’m Awake », on retrouve un côté théâtral et une tendance à l’exagération qui font penser à Marianne. Et bien entendu Hans est parfait en Willoughby, mais Anna ne l’a pas mérité contrairement à Marianne. Et je trouve adorable la façon dont Anna est désespérée de trouver l’amour, et c’est à cause de ça qu’elle croit être amoureuse d’Hans alors qu’elle vient de le rencontrer, ce qui rend la chose très intéressante et Anna particulièrement attachante. La spontanéité, ce n’est pas vraiment mon truc. Mais là où Marianne est excessive, Anna est juste naturelle. Et de la maladresse et de la naïveté, je suis une grande fan. Et Anna qui se sent seule, rejetée par sa sœur, et qui s’ennuie (et se met à parler toute seule), comment pourrais-je ne pas l’adorer ? Anna se sent seule, Marianne a des idées « romantiques » qui me font détester le mot et ne pas le reconnaître : absolument rien à voir !
Bien entendu, Anna qui se sent rejetée par sa sœur ne fait pas le poids face à Elsa qui se rejette elle-même. Anna est touchante à frapper à cette porte, mais quand on voit Elsa de l’autre côté de la porte c’est bien plus fort. Elsa se ferme aux autres parce qu’elle a peur d’elle-même, parce qu’elle a grandi en croyant à l’idée qu’elle était un monstre, dangereuse pour les autres, qu’elle n’était pas quelqu’un qui mériterait qu’on l’aime, que sa compagnie n’est pas une chose qu’on pourrait vouloir rechercher en connaissance de cause. Elle croit qu’être seule est la seule façon pour elle de ne blesser personne (D’ailleurs, la fin du film est incroyablement mal faite, mais j’y reviendrais). Il faut avouer que c’est quand même plus complexe, profond, intéressant qu’Anna. Mais souvent je me trouve assez compliquée pour vouloir admirer la simplicité. Et je trouve le naturel absolument charmant, tout en étant une fan absolue de la retenue. La maladresse d’Anna est à croquer, mais Elsa qui se contient, sans cesse effrayée de faire un faux pas, qui cherche à paraître digne, ça aussi ça me parle. Et je me demande comment je peux me reconnaître dans les deux : peut-être que c’est possible en soustrayant la spontanéité au naturel; quoi que je voie comment ça laisse l’authenticité mais pas vraiment comment ça laisse la maladresse. Elsa terriblement raisonnable et tout en retenue, qui souffre en elle-même et ne partage rien avec personne : c’est là qu’on retrouve cette chère Elinor et arrivée à ce point de l’argumentation j’en serais à conclure qu’en fin de compte je la préfère à sa sœur.
Mais… je préfère sa robe du couronnement à sa robe de reine des neiges. Opinion qui, en plus d’être très impopulaire à ce que j’ai cru comprendre, conduit sur des nouveaux chemins de ma réflexion (ou y conduirait si je n’avais pas déjà réfléchi à tout-ça et que la robe n’était pas simplement une transition que j’ai trouvée jolie et adéquate). J’adore Elsa tout en retenue, mais justement quand elle abandonne sa retenue ça ne va plus du tout ! Le « le bien le mal je dis tant pis ! » a vraiment beaucoup de mal à passer. Je préfère me dire que c’est juste parce que ça rimait, ou que les gens qui écrivent les chansons n’ont rien à voir avec ceux qui écrivent le film, ou que c'est une erreur des traducteurs. Parce que dans la suite on voit bien qu’en fait elle croit qu’ici, seule et retirée, elle pense ne faire de mal à personne, et qu’elle croit que ses actions sont sans conséquences. Rien à voir avec cette rébellion/abandon à laquelle j’ai cru un moment. Mais bon même comme ça j’ai un peu de mal. C’est à cause de la robe ! Comme si cette Elsa était la vraie Elsa et que la retenue ce n’était pas une personnalité mais juste une conséquence. Et il-y-a cette violence en elle !
Retour à égalité je dirais. Mais Elsa gagne quand même grâce au point bonus que lui vaut sa façon de refuser de danser ! Je suis en admiration absolue, moi que ne danse pas mais serait bien incapable de le dire de façon aussi assumée et sans la moindre trace de honte, comme si c’était la chose la plus normale du monde ! C’est là que je passe en mode attribution externe et m’insurge contre le fait que les gens ne me laissent pas considérer ça comme un choix comme les autres ou quelque chose de parfaitement normal et m’obligent à le dire avec honte.

La fin du film donc* : Le « ah oui l’amour bien sur ! » et hop magie magie dégel. Tout simplement incompréhensible ! Ça peut sonner un peu comme si Elsa décidait de mettre fin à l’hiver par amour. Alors que c’est absurde vu qu’elle a toujours aimé les gens : c’est pour eux qu’elle s’est contrôlée, puis retirée ; tous ses actes ont toujours été guidés par l’amour. Cette hypothèse de lecture me laissait sceptique sur le film, d’autant plus que ça le fait sonner comme « par amour pour les autres, arrête d’être toi-même », qu’heureusement le fait qu’elle crée une patinoire contredit. Et j’ai eu confirmation en lisant le livre, où il est dit mot pour mot « Elle réalisa que pour maîtriser son pouvoir, il lui suffisait de se sentir aimée pour ce qu'elle était », ce qui va dans le sens de la deuxième hypothèse de lecture, qui elle est absolument formidable. Elsa pensait qu’elle n’était pas autorisée à être elle-même, que personne ne pourrait l’aimer ainsi. Et elle réalise que c’est faux, s’autorise à être elle-même, et tout est bien qui finit bien. Et oui je peux dire que s’autoriser à être elle-même conduit à supprimer la neige alors que ça semble contradictoire mais en fait non parce que si elle était en rébellion et donc dans l’excès, le fait de réaliser qu’elle peut être elle-même la conduit à arrêter les excès, même si ces excès étaient dans le sens du « elle-même ». Et elle est elle-même avec modération. Mais Elsa a toujours été retenue et modération ! Et j’ai le droit de me dire que symboliquement ce sont ces côtés d’elle qu’elle apprend à accepter et pas la violence, parce que «Tu peux être aimée telle que tu es » se traduit par tout ce que l’on veut, et que chacun est emmené à voir dans un film ce qui va lui parler.
* Je viens de remarquer l'ironie dans le fait que moi qui ai voulu me débarrasser des aliments les moins bons au début du repas me retrouve quand même à terminer sur un point négatif en parlant de quelque chose qui m'a dérangée, mais si au final tout est bien qui finit bien.

Et je réalise que j'ai oublié de parler des Trolls : de leur chanson sur l'amour et le fait qu'on ne peut pas vraiment changer les gens mais qu'on peut apprendre à les aimer et à les voir sous un jour différent, mais surtout de leur citation "The heart is not so easily changed, but the head can be persuaded.", qui me semble fort intéressante et dont je ne sais pas encore exactement quoi penser mais sur laquelle je sais que je pourrais trouver beaucoup à dire. A méditer donc.
Miss-Naïs
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le 9 févr. 2014

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