Enchainée, Torturée

Voulions-nous d’un nouveau bonhomme de neige ? Oui et non. On le sait que trop bien, une formule qui cartonne, passe forcément par la case suite, préquel ou remake chez les gros studios. Disney prend à cœur cette décision pour nous offrir un cadeau d’hiver, sans doute un peu trop en avance pour le produit final. Cette fois-ci libres et sans support littéraire, Jennifer Lee et Chris Buck reviennent mettre en scène Arendelle et ses personnages qui ont touché plusieurs générations. Et pourtant, c’est bien Lee qui est à a barre du projet, bien qu’elle se soit trouvé une co-scénariste qui pouvait apporter plus de stabilité. Le premier volet avait surpris en déjouant notamment les codes de la princesse et du méchant, mais cette prolongation se repose encore sur les mêmes bases, suffisamment maquillées pour que l’on rejoigne de nouveau la parade. Hélas, le sentiment est tout autre, dès lors que l’on démasque les limites de ce divertissement…

Cela part d’une bonne intention. Nous étions curieux de voir comment allaient évoluer nos héros, mais ce sera une maigre consolation pour le casting masculin, écrasé par la dualité des sœurs vedettes. Alors aurions-nous la chance de connaître de nouveaux arrivants, afin de les confronter ? Et bien non. Pas d’audace, pas d’inspiration, car les nouvelles têtes ne servent qu’un scénario limité qui tient encore son dénouement sur l’amour des sœurs. Soit, rabattons-nous sur les chansons qui vont la fierté du studio depuis des décennies ? Même constat. On recycle les thèmes sans prétendre au minimum d’effort pour nous vendre de l’originalité ou juste un souffle épique. Ça chante à tout-va et sur des moments oubliables. Ce qu’il y avait de fort dans le premier chapitre, c’est que la plupart des chansons inspiraient une réelle conviction, sur un ton rebelle et en revendiquant l’émancipation. À la fois doux et lyrique, cela parlait aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Aujourd’hui, nous ne saurions affirmer si le public visé reste celui qui a connu le premier succès ou si Disney comptait rééditer la surprise générale. Dans les deux cas, c’est une mauvaise surprise et une déception qui nous attend en bout de piste.

Mais gardons espoir et misons sur la grande émotion du final et autres péripéties glaciales… La réponse est aussi prévisible que son scénario qui n’a pas cherché à complexifier son intrigue, à défaut d’en avoir une courte. Il y a pourtant peu à reproche sur la note technique. Les images sont toujours soignées, avec une animation fluide et c’est dans quelques scènes qui mettent en danger nos héros qu’on arrive à passer le cap, avant de retomber dans une structure linéaire. Que ce soit Elsa ou Anna, tout le monde part dans tous les sens, car aurait un combat intérieur supplémentaire à dompter. Mais on arrive rapidement à les exploiter puis on passe à autre chose. Heureusement que sur l’aspect burlesque, le petit Olaf ne grandit pas, car il serait le seul à créer une barrière face au divertissement, presque soporifique et évidemment trop niais.

« La Reine des Neige II » n’est donc plus libérée, délivrée, à l’image de son interprète Anaïs Delva, écartée du projet qui sonne creux, que ce soit dans les chansons ou dans son désir d’étendre l’univers. La magie ne prend plus et se heurte aux limites de son succès. Le discours féministe ne passe pas inaperçu n’aurait dû être qu’une cerise sur le gâteau et non pas le biscuit. Pour ce qui est du développement d’Elsa, vers la maturité et les responsabilités royales qu’on lui impose, elle ne semble pas à la hauteur de nos espérances. Sa lutte contre les ténèbres n’est sans doute pas aboutie, car elle n’aura pas réussi à faire la différence, sa sœur non pas. On nous parle alors d’un lien fort et complémentaire entre les deux, mais c’est plutôt le contraire qui en ressort, malheureusement. Nous aurions apprécié sortir de cette forêt, enchantés, mais au lieu cela, nous ne ramenons que de la boue et des feuilles mortes.