Das schweigende Klassenzimmer est un titre improprement traduit par la Révolution silencieuse. Le vrai titre en allemand est la classe silencieuse. En effet, des élèves d'une classe de terminale d'ex RDA, à la fin des année 1950, ont la velléité de protester contre la répression de la révolte Hongroise par l'URSS. Pour faire cela, les élèves ont la bonne idée de faire une minute de silence au début de leur cours d'histoire. Événement anodin, somme toute assez banal et pas bien grave mais qui va activer un engrenage irrésistible. Une fois de plus, l'Allemagne nous envoie un film poignant.


Cette jeunesse, fougueuse pour ne pas dire frondeuse, devrait se sentir exaltée par le régime socialiste de la RDA. Pourtant, peu de temps après la guerre, elle n'apprécie pas la présence soviétique sur son territoire, elle n'est pas dupe de la nature du régime Est allemand. Le directeur du lycée a beau dire que même s'il n'est pas parfait, le socialisme est bon cela a du mal à convaincre car il est basé sur le mensonge.


Le mensonge jalonne ce film, de toutes part. Mensonge quand il faut justifier dans un premier temps la minute de silence devant les autorités. Devant le danger, la classe, au lieu d'assumer la nature politique de l'acte, préfère se dissimuler derrière un motif trivial. Mensonge de la presse libre venant de l'Ouest et n'hésitant pas à diffuser de fausses informations. Mensonges pour passer à Berlin Ouest ou sous prétexte d'aller se recueillir sur la tombe de son aïeul, on en profite pour aller au cinéma. Mensonge d'un régime qui se croit fort et qui vacille dès qu'une tête dépasse et qui ne demande rien d'autre que de mettre la poussière sous le tapis une fois que la vérité émerge et qu'elle dérange. Mensonge dans un trio amoureux, entre Kurt, Théo et Lena. Mensonge partout, tout est faux, tout est factice. Là réside la vraie révolte, non pas dans l'action irréfléchie et peut-être un peu immature de faire une minute de silence. Non, le révolte provient du refus absolu du mensonge. Car accepter de mentir pour de viles raisons, c'est s'abaisser.


Ainsi, la prise de conscience de ces jeunes lycéens se fait par étapes. Notamment au travers de leurs visites chez l'oncle Edgar où ils ont le loisir d'écouter la radio de l'Ouest. Il habite une ferme reculée, est homosexuel et joue du Bartok. Ces caractéristiques montrent une dissidence et un refus du système et une libre pensée. Lui le premier comprendra la portée du geste des jeunes et leur inculquera ce qu'il en coute de penser librement dans n'importe quelle société, qu'elle soit religieuse, totalitaire ou même démocratique. Le système, le contrat social nécessite qu'on croit et qu'on ne pense pas librement. Et le système ne s'épargne aucun outil pour prospérer.


Et lorsque plusieurs systèmes se confrontent, cela donne toutefois lieu à des échanges intéressants, notamment l'opposition entre communisme et religion. Où lorsqu'un ministre communiste demande à une élève chrétienne si elle croit vraiment à la résurrection du Christ et à l'immaculée conception.


La liberté réside dans la réflexion personnelle mais aussi et surtout dans le choix et les actes qu'on pose, en toutes connaissance de causes et surtout des conséquences. Et là, le mensonge peut se justifier. Car le mensonge lorsqu'il sert à résister, est connu de tous mais sert à garder la face contre le monstre froid qu'est l’État socialiste. Ainsi, le mensonge est retourné contre l’État menteur, dans une cruelle ironie. On a dit la vérité pour résister, on ment pour se sauver. Quelle est donc la morale ? C'est que la jeunesse a appris à réfléchir par elle-même, et c'est une sacrée leçon.


Merveilleux casting, avec des comédiens jeunes et beaux, une réalisation qui sait bien jouer des artifices de mise en scène, surtout lorsque le mensonge est dit tandis que l'image raconte la vérité.

Andika
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le 5 mai 2018

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