Les Mad Max, Doomsday, Je suis une legende, etc... le "post-apo" a engendre plethore de métrages plus ou moins bons.
Toutefois, ces films ont, a de rares exceptions pres, toujours tendu vers une forme de spectaculaire fun et parfois too much (punks cannibales, creatures en tous genres, joutes motorisees, etc...) et il faut bien reconnaitre que le genre commençait a serieusement tourner en rond.
C'était sans compte avec le genial Cormac Mc Carthy, deja auteur de No Country For Old Men et de l'immense Meridien de Sang, qui dans son livre La Route (pas encore lu le bouquin mais ça ne saurait tarder...) a propose une vision radicale et epuree d'un monde post-apocalyptique.
Pour l'adaptation cine de ce classique instantane de la litterature americaine, il fallait un solide realisateur capable de restituer a l'ecran toute la puissance de l'oeuvre originelle, sachant que Mc Carthy est loin d'etre un auteur accessible (un style contemplatif avec peu de dialogues et des passages d'une violence rare meme si ce n'est jamais gratuit).
C'est l'australien John Hillcoat, deja auteur du parait-il fantastique The Proposition (je l'ai et je ne l'ai toujours pas vu... honte a moi), qui s'y est colle et le moins que l'on puisse dire c'est qu'il a su relever le defi !
Récit minimaliste (peu ou pas de reperes geographiques,les personnages n'ont pas de noms et Mc Carthy se garde bien de reveler la nature de la catastrophe qui a devaste le monde), mettant de cote la dimension "entertainment" des films du meme genre, La Route est avant tout un film profondement humaniste.
Ainsi, au dela de l'aspect "survival", l'auteur articule son recit autour d'un enjeu fondamental: la transmission de valeurs nobles comme le courage, la droiture, le respect d'autrui, etc... dans un monde ravage ou celles-ci n'ont plus cours.
C'est cette idee de transmission qui est au coeur d'une histoire d'amour bouleversante entre un homme et son enfant. Rarement une relation père/ fils aura ete aussi intense, le metrage n'ayant de cesse de montrer la force des liens qui les unissent dans des situations extremes.
A ce titre, on ne peut que s'incliner devant les performances de Viggo Mortensen une nouvelle fois epoustouflant et du jeune Kodi Smit-Mc Phee remarquable dans un role pourtant tres exigeant pour un gamin.
Sur le fond, le film est donc est une reussite totale grace a l'epaisseur de ses personnages y compris ceux qui ne font que passer furtivement tels des ombres : Guy Pearce, Molly Parker et Michael K. Williams meconnaissables mais surtout le grand Robert Duvall qui offre au film une de ses scenes les plus fortes.
Le personnage de la mere interpretee par une Charlize Theron lumineuse est un cas a part car elle n'apparait que dans des flash-backs lourds de signification.
Maintenant, quand est-il de la forme ? Et bien sur ce point, MONSIEUR Hillcoat, chapeau bas !
L'australien a su parfaitement tire parti de son petit budget de 30 millions de dollars : jamais une vision de l'apocalypse n'aura paru si realiste notamment parce que le realisateur et son directeur artistique ont eu l'idee geniale d'utiliser des decors deja existants( entre autres, les ruines laissees par l'ouragan Katrina ) et parce que Hillcoat compose des plans de desolation hypnotiques qui restituent dans toute leur beaute macabre les ambiances contemplatives et oniriques propres a Mc Carthy.
Enfin, le film n'elude pas les aspects les plus brutaux du recit (meme si certains passages ont ete edulcore, faut dire que Mc Carthy n'y va pas de main morte) avec le traitement frontal de la barbarie a laquelle sont confrontes les deux protagonistes et qui les poussent a remettre constamment en question leur humanite.
Les apparitions des cannibales sont de grands moments de terreur et je me souviendrai longtemps de la scene de la cave...
Au final, La route pourrait tranquillement pretendre au statut de chef d'oeuvre sans son final beaucoup trop abrupt. C'est vraiment dommage d'autant que cette fin est d'une grande puissance emotionnelle... une legere deception au regard de ce qui a precede.
Mais bon, il s'agit quand meme d'un grand film dur et emouvant qui ne laissera aucun spectateur indifferent.
La revelation d'un grand cineaste et la confirmation que Cormac Mc Carthy est un auteur au potentiel cinematographique exceptionnel pour peu que les adaptations soient confiees a des types comme Hillcoat... du coup j'attends celle de Blood Meridian avec impatience !
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