Qu’y a-t-il de plus banal que de filmer du sexe aujourd’hui ? Pas grand-chose certainement et bien idiot celui qui croit encore en son pouvoir transgressif. Mais sur ce sujet comme sur les autres il ne faudrait pas se montrer manichéen en adoptant le point de vue d’un vieux con soixante-huitard ou d’un abruti réactionnaire et de fait reconnaître que la représentation sexuelle a pu bousculer par le passé mais que ce n’est bien évidemment plus le cas aujourd’hui. C’est en ce sens qu’il est nécessaire pour choquer d’aller de plus en plus loin, jusqu’à la représentation de la nécrophilie dans le The Neon Demon de Nicolas Winding Refn que j’ai pour de multiples raisons détesté. Alors vouloir faire en 1960 une scène de sexe c’était déjà osé, mais une scène de viol, diantre ! Ainsi, le célèbre réalisateur suédois nous emmène encore dans la Scandinavie médiévale pour nous faire suivre un fait divers teinté, bien évidemment, de questionnements métaphysiques. La construction de son intrigue autour du viol suivi par le meurtre d’une jeune femme espiègle m’a fait rapprocher La Source du Rashômon de Kurosawa et si l’œuvre du maître japonais aborde la question de la vérité, ici c’est plutôt le problème de la vengeance qui est traité par Bergman. En l’absence d’un État de droit, le problème de la justice ne se pose pas tant comme une certaine relation à la société mais plutôt comme un rapport à une morale dictée par la religion adoptée. On oppose donc effectivement la foi païenne à la chrétienté, la première étant considérée comme cause du drame et la seconde en tant que ce qui va pousser au regret. Ici, les coupables ne subissent pas le même traitement que dans le magnifique M le maudit de Lang, on ne cherche pas à comprendre leur acte (sans pour autant que comprendre soit synonyme d’excuser) car Bergman s’intéresse aux interrogations du père de la victime, incarné par Max von Sydow, d’abord habité par la vengeance puis torturé par le regret. Cet homme ne trouvera probablement de véritable réponse à ses problèmes car la vie dans toutes ses contradictions n’est pas si simple, mais il choisira d’expier par la religion, seule échappatoire s’il en est…

Créée

le 7 juil. 2016

Critique lue 589 fois

5 j'aime

3 commentaires

MonsieurBain

Écrit par

Critique lue 589 fois

5
3

D'autres avis sur La Source

La Source
Sergent_Pepper
8

Le désordre et la foi.

Bien des films de Bergman peuvent être présentés comme des fables, dont la morale fluctue en fonction de son état d’esprit, plus ou moins ouvertement pessimiste. La Source est sans doute l’un de ses...

le 13 nov. 2017

31 j'aime

8

La Source
corumjhaelen
10

Critique de La Source par corumjhaelen

Bergmanien acharné, La Source fait partie de ses quelques films du Maître que je classe juste en dessous de ces deux chefs d'oeuvre que sont Cris et Chuchotements et Personna, et nettement au-dessus...

le 24 mars 2013

24 j'aime

2

La Source
Gand-Alf
7

La passion d'une jeune pieuse.

Oscar du meilleur film étranger en 1961, "La source" d'Ingmar Bergman, inspiré d'une légende suédoise du quatorzième siècle, fut longtemps considéré comme une oeuvre mineure, le cinéaste lui-même...

le 27 janv. 2015

21 j'aime

Du même critique

Julieta
MonsieurBain
9

D'un amour impossible

Cette soixante-neuvième édition du fameux festival de Cannes nous a largement, et peut-être même immodérément, vendu Julieta comme étant ce qu'on pourrait considérer comme non moins que le grand...

le 18 mai 2016

50 j'aime

14

Pulp Fiction
MonsieurBain
9

Des ambulations sanglantes

N'est-ce-pas un grave exercice dans l'univers de la critique que de s'atteler à une telle œuvre que Pulp Fiction ? Oui, certainement... Pour autant, il n'en est pas moins aisé puisque dès les...

le 3 oct. 2015

38 j'aime

16

Eyes Wide Shut
MonsieurBain
9

Fuck the Illuminati !

En regardant pour la première fois Eyes Wide Shut, j'avais ressenti cette profonde sensation de trouble que beaucoup d'autres semblent avoir devant l’œuvre de Kubrick en général. À vrai dire, si...

le 17 août 2016

37 j'aime

17