Le réalisateur d'origine roumaine Radu Mihaileanu nous propose, après le succès de son dernier opus" Le concert", une oeuvre très différente, un conte limpide et poétique inspiré du Lysistrata d'Aristophane - où des femmes s'engageaient dans une grève du sexe pour que cesse la guerre entre Sparte et Athènes - et dont le thème, en résonance avec le printemps arabe, est celui de l'émancipation féminine et de la tolérance universelle dans les paysages sauvages et âpres du Maghreb. Montagnes pelées, terre ocre, mechtas jaune orangé, le décor est superbe, les femmes belles et déterminées, la lumière intense, la musique orientale à souhait.

L'histoire, très simple, se résume en quelques lignes : à la suite d'une chute qui fait perdre son bébé à l'une d'entre elles, les femmes, chargées depuis le nuit des temps de rapporter l'eau au village à travers des sentes arides, se révoltent et décident de faire la grève de l'amour tant que les hommes ne se décideront pas à installer l'eau courante. La jeune Leïla, interprétée par la ravissante Leïla Bekhti, la plus émancipée de toutes ( elle sait lire et écrire ), va être le fer de lance de cette révolte, aidée par la plus âgée, une matrone courageuse à la langue bien pendue, campée par Biyouna, qui prête à son personnage de femme mûre un contour rocailleux mais profondément humain qui n'est pas sans rappeler l'audace et l'intrépidité de nombreuses femmes arabes lors d'événements récents.

Au milieu des chants et des danses, ces épouses vont mener à bien leur combat, épaulées par le mari de Leïla, Sami ( Saleh Bakri ), l'instituteur du village qui est très amoureux de sa femme et ouvert à la modernité. Comme elles, il veut faire bouger les choses et lutte contre l'obscurantisme des anciens et les déviations qu'ils se sont permises des versets du Coran, de façon à soumettre les femmes à leur toute puissante autorité. De cette dignité bafouée, de l'obéissance humiliante à laquelle on les a contraintes, les femmes ont bien l'intention de s'affranchir, sans aller pour autant à rebours de leurs traditions millénaires et de leur foi. Les deux heures du film ne sont autre qu'une ode à la dignité féminine, à la place privilégiée que le sexe dit faible est sensé occuper au coeur de l'humanité, un message à l'intention d'un monde gagné par la sécheresse de coeur, l'égoïsme et la nonchalance coupable, un rappel adressé à une société en perte de repères, d'horizon, de ferveur et d'amour. Peut-être le scénario manque-t-il de rigueur dans sa narration, avec des répétitions et surtout une bande-son trop envahissante, mais il n'en est pas moins un joli conte biblique, où la poésie des êtres et celle des paysages composent une heureuse alliance.
abarguillet
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 10 sept. 2013

Critique lue 664 fois

4 j'aime

abarguillet

Écrit par

Critique lue 664 fois

4

D'autres avis sur La Source des femmes

La Source des femmes
Buissonad
4

Un oasis dans un verre d'eau

Après lecture du pitch de "La source des femmes", on se dit que Radu Mihaileanu va signer une gentille et sympathique fable féministe. Et on ne peut s'empêcher de rapporter à l'actualité et au...

le 6 nov. 2011

10 j'aime

La Source des femmes
LeBlogDuCinéma
8

La Source des Femmes mélange joie et tristesse et véhicule ainsi un vrai message d'amour.

Ce n'est ni un film historique, ni une fiction mais un fait toujours actuel dans certains villages du Maghreb ou du Moyen-Orient. Les femmes cherchent l'eau à la source dans les hauteurs en prenant...

le 29 oct. 2011

10 j'aime

2

La Source des femmes
Moizi
1

Le tuyau, 10 euros chez Casto...

Allez, parce que je suis bon prince je règle le problème en trente secondes, les femmes veulent de l'eau plus près pour éviter de perdre leur enfant en couche (WTF, déjà le pitch de base est...

le 14 mai 2015

7 j'aime

11

Du même critique

Le Beau Serge
abarguillet
7

Critique de Le Beau Serge par abarguillet

Grâce à un petit héritage personnel, Claude Chabrol, alors jeune critique aux Cahiers du cinéma, produit lui-même son premier film, réalisé avec le concours efficace d'une bande de copains réunie...

le 6 juil. 2013

15 j'aime

1

Plein soleil
abarguillet
9

Critique de Plein soleil par abarguillet

Tom Ripley ( Alain Delon ) a été chargé par un riche industriel américain, Greanleaf, d'aller chercher son fils Philippe ( Maurice Ronet ) en Italie, où il mène une vie oisive en compagnie de Marge (...

le 25 mai 2013

13 j'aime

1

Mort à Venise
abarguillet
10

Critique de Mort à Venise par abarguillet

Mort à Venise, film lumineux et complexe est, sans nul doute, l'un des plus grands chefs d'oeuvre du 7e Art. Inspiré d'un roman de l'écrivain Thomas Mann, lui-même influencé par la philosophie...

le 25 juin 2013

13 j'aime

1