La croisée des temps
S'il ne s'était agi d'Orson Welles, La Splendeur des Amberson aurait sans doute laissé paraître un tout autre visage. Il faut dire que le successeur du mythique Citizen Kane avait largement de quoi...
le 6 avr. 2017
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En 1942, Orson Welles était déjà bien connu, après son éminent Citizen Kane, devenu depuis une référence absolue du cinéma. Très peu après ce premier coup d'éclat, le jeune réalisateur prodige remet le couvert avec La Splendeur des Amberson, un drame familial qui suit, sur certains aspects, les traces de son prédécesseur. Egalement très reconnu pour sa qualité, il l'est aussi pour le traitement qui a été réservé par les producteurs du film.
Orson Welles impose rapidement son rythme effréné et sa patte, dans un des rares films où il ne figurera jamais à l'écran, mais où sa présence se fera sans cesse sentir. Sa voix accompagne l'évolution de la famille Amberson, riche dynastie connue de toute la région, et siégeant dans un immense manoir. Un siècle s'achève, un nouveau débute. Comme Charles Foster Kane dans son précédent film, Orson Welles confronte la famille Amberson aux bouleversements sociaux et technologiques de ce nouveau siècle où tout va beaucoup plus vite. Les Amberson, fière famille aristocrate, demeure puissante et réputée, mais elle n'est pas pour autant foncièrement rétrograde. Vivant certes dans un environnement et avec des standards dépassés, la famille sera surtout surprise par l'attitude de son plus jeune représentant, George, un jeune homme impétueux et très accroché aux principes.
La Splendeur des Amberson se sert de cet écart entre les principes d'une société d'un autre temps et d'une société en mouvement, notamment avec l'arrivée de nouvelles technologies, pour mettre en scène ce drame familial basé sur les regrets et le manque de remise en question des vieux principes. Quand Citizen Kane illustrait le succès d'un homme ambitieux vivant avec les évolutions de son époque, La Splendeur des Amberson met en scène le déchirement d'une famille dont la puissance s'est construite à une autre époque, et qui disparaît avec le temps. La preuve en est que c'est Eugene Morgan, celui qui a été écarté de la famille pour avoir été indigne d'Isabelle, et moqué par George à propos de ses inventions, qui finit par bâtir son propre empire et prospérer.
George, cadet de la distribution, est paradoxalement le plus traditionaliste et le plus conservateur du groupe. Profondément attaché à ses racines, défendant bec et ongles l'honneur de sa famille, ne voyant aucun avenir dans l'automobile, il est l'incarnation d'un temps révolu et d'une absence totale de remise en question, laquelle semble émaner progressivement chez la plupart des autres membres de la famille.
Orson Welles, comme il avait su le faire avec Citizen Kane, parvient à captiver par son sens de la mise en scène, son noir et blanc et ses lumières. Toutefois, le film souffre terriblement d'un montage drastique qui vit la durée du film se réduire de manière non négligeable, et sa fin modifiée. On se demande alors à quel point l'oeuvre de Welles aurait pu être encore plus puissante et dramatique, le résultat qui nous reste étant certes beau et réussi, mais semblant quelque peu expéditif. La Splendeur des Amberson montre, finalement, conjointement la maestria de Welles et la frustration provoquée par ses multiples désaccords avec les grands studios hollywoodiens.
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Créée
le 2 févr. 2018
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