La pertinence du regard porté par La Taularde sur le système judiciaire réside certes dans son approche quasi documentaire de la réalité quotidienne des prisons, forte d’une photographie terne et d’une mise en scène dépouillée qui cultive les plans-séquences, surtout dans sa façon de rassembler détenus et personnel de prison au sein d’un même Enfer où la seule question véritable est celle de la durée du séjour et des perspectives de sortie.


Le long métrage rend poreuses les frontières entre les gardiennes et les gardées : une relation se crée entre elles, tantôt chaleureuse tantôt pleine de sous-entendus et de haine ; tout se passe comme si la prison était un accélérateur de particules négatives, un centre où les passions et les rancœurs s’exacerbent et se purgent au contact des autres. L’image de la grille, omniprésente, est assez significative de ces relations humaines incarcérées : tout est filtré, des informations – ai-je reçu des lettres ? as-tu appelé en Allemagne ? – aux identités, tout se décante dans un bouillonnement difficilement contrôlable, tels le café que l’on donne à la gardienne sur le point de partir, les infusions diverses, l’alcool dans lequel baignent les fruits en bocal.


Audrey Estrougo réussit fort bien à rendre ces femmes humaines et attachantes en dépit de leur caractère, de leurs névroses, de leur fanatisme ; aucun personnage n’est totalement négatif et antipathique, les cartes sont rebattues à mesure que les situations changent et que l’humanité s’y engouffre. Si l’histoire personnelle de Mathilde peine parfois à se greffer de façon convaincante à l’immersion en prison, apportant un romanesque quelque peu ronflant et dissonant – quoique liée à la profession de Mathilde, professeure de Lettres –, La Taularde reste une œuvre à voir en ce qu’elle s’entoure d’excellentes actrices pour donner à voir et à vivre un microcosme qui place en détention l’humain saisi dans ce qu’il a de plus farouchement singulier et terriblement universel.

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le 27 oct. 2020

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